La maternité pour autrui en discussion en Belgique

Une convention (de gestation pour autrui) dont l’illégalité est contournée par les parties – Section I :
I – Les contradictions substantielles entre le droit français et certains droits étrangers
B – La faveur du droit étranger à l’égard de la convention de gestation pour autrui
2 – La légalisation de la pratique de la gestation pour autrui
c) La gestation pour autrui en discussion en Belgique
C’est l’histoire récente de la petite Donna129 qui a suscité commentaires et réflexions en Belgique. Elle fut vendue par sa mère « porteuse » à un couple néerlandais, alors qu’un engagement avait été conclu avec un couple limbourgeois pour la somme de 10000 euros, en ayant tenté auparavant de monnayer le bébé auprès d’un couple d’homosexuels. Cette affaire bien au-delà du fait divers sordide a mis en évidence la nécessité de légiférer en la matière (heureusement ce phénomène est rare en pratique).
Dans ce pays, aucune disposition législative n’interdit expressément le recours à la maternité pour autrui. Il n’y a donc pas de protection juridique130. Mais selon une nette majorité de la doctrine131, un tel contrat serait contraire aux articles 6 et 1128 du Code civil. L’illicéité des contrats de mère porteuse pourrait reposer sur plusieurs considérations : le défaut de consentement éclairé de la gestatrice et la contrariété au principe de l’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes. En conséquence le contrat serait entaché d’une cause de nullité absolue et corrélativement, il ne pourrait pas donner lieu à exécution forcée, ni pour ce qui tient au paiement de la rémunération promise à la mère porteuse. La mère porteuse serait la mère légale et le contrat n’a aucune valeur juridique.
Les décisions rendues à propos de la maternité pour autrui, peu nombreuses, sont partagées entre préserver l’intérêt de l’enfant et veiller au respect des articles 6 et 1128 du Code civil. Ainsi la Cour d’appel de Gand dans un arrêt du 16 janvier 1989 a jugé qu’au travers des règles existantes, le législateur n’entendait pas permettre la commande d’un enfant de mère porteuse. En revanche, deux autres décisions sont favorables à l’adoption d’un enfant conçu avec les gamètes des parents adoptifs. L’un en date du 4 octobre 2000, émane du Tribunal de première instance de Turnhout, qui juge que si la mère porteuse ne perçoit aucun gain, la convention n’est pas contraire à l’ordre public et que l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant conçu par FIV ave les gamètes des deux adoptants, parents « socio-génétiques », seuls la gestation et l’accouchement ayant été assumés par une tierce personne proche d’eux132. L’autre est un jugement du tribunal de la jeunesse de Bruxelles, du 4 juin 1996, qui a aussi homologué l’adoption plénière par des époux de l’enfant conçu avec leur propre gamètes mais porté par la sœur de l’épouse, tel étant l’intérêt de l’enfant133.
En raison des problèmes que peut poser la maternité pour autrui (à titre d’exemple l’affaire de Donna), une Déclaration gouvernementale de juillet 2003 annonçait qu’une proposition de loi serait déposée au Sénat prônant l’interdiction du recours aux mères porteuse, avec cependant des exceptions strictes instaurant une « solidarité balisée » entre des femmes stériles animées par un dèsir d’enfant et des femmes qui acceptent ce dèsir, l’enfant porté dans un autre utérus n’étant pas moins leur véritable enfant génétique puisqu’il est conçu à partir de leurs propres gamètes. C’est le sens de la proposition de loi déposée au Sénat par Christiane DEFRAIGNE134 le 12 décembre 2003.
Le Comité consultatif de Bioéthique de Belgique, dans un avis rendu en 2004135, prône une régulation de la maternité pour autrui. Il propose l’établissement d’un règlement cadre pour la pré-adoption dans laquelle la future mère porteuse se déclare prête à prendre en charge la grossesse au profit des parents demandeurs. Enfin, si le Comité se déclare opposé à la commercialisation du phénomène, il estime qu’on peut accepter une indemnité de compensation de la mère porteuse.
Cependant, pour sa part, le sénateur Clotilde NYSSENS vient de proposer une proposition de loi interdisant de manière inconditionnelle le recours aux mères porteuses, ainsi qu’aux mères de substitution, pour trois raisons : l’enfant et le corps de la femme étant hors commerce, ils ne peuvent faire l’objet d’un contrat, puis la grossesse est essentiellement relationnelle et pendant celle-ci un lien fondamental se construit entre la mère, l’enfant et son entourage ; enfin la maternité se construit au fil de la grossesse et les conditions du contrat prévues initialement peuvent ne plus correspondre à la volonté des parties au moment de la naissance. Cette proposition s’appuie largement sur l’expérience clinique du professeur Luc ROGIERS, pédopsychiatre et professeur d’éthique médicale clinique à l’UCL qui insiste sur « la valeur relationnelle de la grossesse »136.
Lire le mémoire complet ==> La convention de gestation pour autrui : Une illégalité française injustifiée
Mémoire présenté et soutenu vue de l’obtention du master droit recherche, mention droit médical
Lille 2, université du Droit et de la Santé – Faculté des sciences juridiques, politiques et économiques et de gestion
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129 En marche Le journal de la mutualité chrétienne, http://www.enmarche.be/A_suivre/2005/Meres_porteuses.htm
130 Propos de Nathalie Massager.
131 Note de synthèse, GRANET (F.), p. 9, préc.
132 Tribunal de la jeunesse de Turnhout, 4 oct. 2001, R.W. 2001, n°6 du 6 oct. 2001.
133 Tribunal de la jeunesse de Bruxelles, 4 juin 1996, J.L.M.B. 1996, p. 1182 et Revue du Droit de la santé 1997, p. 124.
134 Site Internet du Sénat de Belgique : http://www.senate.be
135 Dossiers de l’Institut Européen de Bioéthique, Les conventions de mère porteuse, 23 mai 2005, site Internet http://www.ieb-eib.org/
136 Site Internet: www.senate.be/www/

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