Responsabilité limitée du propriétaire du navire transportant

Responsabilité limitée du propriétaire du navire transportant

§ 2) La limitation de responsabilité du propriétaire du navire transportant des substances nocives et potentiellement dangereuses (SNPD/HNS)230

Une convention qui n’est pas encore entrée en vigueur, mais qui contient un système de responsabilité du propriétaire du navire tout à fait similaire à celui de la CLC, est la convention internationale du 3 mai 1996 sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer des substances nocives et potentiellement dangereuses (SNPD), substances dont il donne une liste limitative, mais qui inclut des substances très nombreuses, et notamment les substances identifiées au Code IMDG.

Cette convention qui est plus connue sous l’acronyme HNS 1996 (International Convention on Liability and Compensation for Damage in Connection with the carriage of Hazardous and Noxious Substances by Sea) s’inscrit donc bien dans une certaine logique. Après l’adoption d’un dispositif conventionnel sur la responsabilité et l’indemnisation des dommages liés au transport maritime des hydrocarbures, la Communauté maritime internationale ne pouvait que s’intéresser aux SNPD ignorées jusqu’alors en raison de leur spécificité.

Le concept de responsabilité adoptée par la Convention SNPD doit, à l’image de la CLC, sa cohérence à l’entremise du principe de limitation de responsabilité autorisée par l’assurance et le principe de la responsabilité objective et canalisée231.

La responsabilité est en effet rattachée au propriétaire du navire par une disposition très proche de l’article 3 de la CLC232. Il s’agit d’une responsabilité de plein droit qui joue du seul fait qu’un dommage de pollution est causée par une de ces substances.

La convention a d’ailleurs repris les mêmes dispositions sur la canalisation de responsabilité que la CLC modifiée par le Protocole de 1992 et dès lors la responsabilité des personnes citées par l’article 7§5 ne peut être engagée qu’en cas de faute inexcusable 233.

De même, la Convention prévoit une limitation de responsabilité dont le propriétaire est dépourvu en cas de faute dolosive ou inexcusable, comme dans la CLC, amendée.

Toutefois, cette convention n’est pas encore entrée en vigueur. à défaut donc de régime de responsabilité ad hoc, ou plutôt dans l’attente de l’entrée en application de la Convention SNPD, les victimes d’un accident impliquant des marchandises dangereuses transportées par mer devront se satisfaire des régimes traditionnels de limitation de responsabilité prévus par le droit maritime. Il convient de soulever par la suite la question de savoir quel sera le régime de limitation qui va régir la limitation de responsabilité de l’armateur.

C’est à l’aune de la législation en vigueur dans l’État où le navire est immatriculé que cette question est aménagée. De fait, l’armateur pourra limiter sa responsabilité soir par l’intermédiaire de la « Convention internationale pour l’unification de certaines règles concernant la limitation de responsabilité des propriétaires des navires de mer du 25 aout 1924», soit par l’intermédiaire de la « Convention internationale sur la limitation de responsabilité des propriétaires de navires de mer du 10 octobre 1957 », et le protocole du 21 décembre 1979, soit par l’intermédiaire de la Convention internationale de Londres du 19 décembre 1976 234.

§ 3) La limitation de responsabilité dans la Convention de 2001 sur la pollution par les soutes (Bunker Convention)235

Le 23 mars 2001, une nouvelle convention a été adoptée sous les auspices de l’OMI236 dans le domaine de la responsabilité pour pollution par hydrocarbures et plus précisément sur la responsabilité pour dommages de pollution causés par les hydrocarbures de soute des navires. Cette convention n’est pas encore entrée en application mais sa mise en chantier ne va pas tarder. Elle entrera en effet en vigueur le 21 novembre 2008 (V. www.imo.org) après sa ratification par la Sierra Leone (http://www.imo.org/).

Il s’agit de l’International Convention on Civil Liability for Bunker Oil Pollution Damage(BC), rédigée, elle aussi, sur le modèle de la CLC de 1969. Elle retient en effet le système d’une responsabilité de plein droit du propriétaire du navire pour les dommages de pollution causés par les soutes de son navire mais cette responsabilité, à l’opposé de ce qu’il vaut en CLC, n’est en rien canalisée237.

S’agissant de la limitation de responsabilité pour les dommages dus à la pollution par les soutes, il importe de mettre l’accent sur l’article 6 de la Convention qui accorde au propriétaire le droit de limiter sa responsabilité mais « en vertu de tout régime national ou international applicable, tel que la convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes 238».

La référence à la convention LLMC n’est tout de même pas limitative: d’autres régimes internationaux de limitation sont possibles, comme celui de la convention de 1924 portant unification de certaines règles concernant la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires de mer ou encore celui de la convention de 1957 sur le même sujet. La faute inexcusable n’intervient donc qu’en tant que cause de la déchéance de l’armateur de son droit de limitation et uniquement dans la mesure où son droit tombe sous le coup de la convention de Londres de 1976.

Si l’on veut néanmoins permettre une indemnisation équitable des victimes, il est important que les montants de limitation soient suffisamment élevés. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la Conférence diplomatique a adopté une résolution demandant instamment à tous les États de ratifier le Protocole de 1996 modifiant la convention LLMC239.

§ 4) La limitation de responsabilité pour dommage nucléaire

Enfin une dernière discipline spécifique visant la responsabilité des exploitants des navires nucléaires doit être mise en exergue.

Une convention a en effet été signée à Bruxelles le 25 mai 1962 relative à la responsabilité des exploitants de navires nucléaires qui n’est par contre jamais entrée en vigueur mais dont les dispositions ont inspiré le législateur français qui, par l’intermédiaire de la loi n0 65-965 du 12 novembre 1965 modifiée par une loi du 29 novembre et un décret du 5 janvier 1982 a adopté des principes proches de ceux de la Convention de 1962.

S’agissant du champ d’application de la convention, il convient de préciser que seuls sont intéressés par la Convention, les bâtiments de mer à propulsion nucléaire; le seul fait de transporter des produits nucléaires ne fait pas tomber le navire sous l’empire de la Convention. Par ailleurs la Convention ne distingue pas suivant l’affectation du navire; aussi bien les navires de guerre que les navires de commerce y sont soumis. Le régime institué présente des ressemblances avec les autres régimes spécifiques de responsabilité, mais il présente à la fois des différences essentielles.

La Convention a en effet concentré la responsabilité sur l’exploitant et cette responsabilité est en principe absolue, en ce sens que l’armateur ne peut pas se libérer en établissant que les dommages sont tenus à la force majeure. En fait, ces principes sont contraires à la tradition maritime et il ne faut pas dire que celle-ci est écartée parce que le risque nucléaire n’est pas un risque maritime240. Il fallait donc prévoir une limitation de responsabilité. On s’est arrêtés à l’idée que les exploitants peuvent limiter leur responsabilité par accident, indépendamment du nombre des navires ou des réacteurs impliqués dans l’événement241.

Mais le plafond de limitation a été fixé à un niveau élevé. Il est dans la Convention de 1,5 milliard de francs-or a 65 milligrammes d’or (francs Poincaré), somme équivalent aujourd’hui à environ 120 millions d’euros. La loi française de 1965 limite la responsabilité de l’exploitant à 500 millions de francs, soit environ 75 millions d’euros, mais prévoit que pour les navires français, la réparation des dommages dépassant cette somme serait subsidiairement supportée par l’État.

230 P. Bonassies, « Le projet de convention internationale sur la responsabilité pour dommages liés au transport par mer des marchandises dangereuses». IMTM. Annales 1991 p. 53 et s.; Ph. Boisson, « La convention SNPD de 1996 et l’indemnisation des dommages causés par le transport maritime de marchandises dangereuses», DMF 1996, p. 389.

231 K. Le Couviour, « La Convention SNPD quelques réflexions sur la dernière pièce du dispositif», DMF 1999, p.587.

232 Art. 7§1 : « Except as provided in paragraphs 2 and 3, the owner at the time of an incident shall be liable for damage caused by any hazardous and noxious substances in connection with their carriage by sea on board the ship, provided that if an incident consists of a series of occurrences having the same origin the liability shall attach to the owner at the time of the first of such occurrences»

233 Art. 7§5 : « Subject to paragraph 6, no claim for compensation for damage under this Convention or otherwise may be made against: (a) the servants or agents of the owner or the members of the crew; (b) the pilot or any other person who, without being a member of the crew, performs services for the ship; (c) any charterer (howsoever described, including a bareboat charterer), manager or operator of the ship; (d) any person performing salvage operations with the consent of the owner or on the instructions of a competent public authority; (e) any person taking preventive measures; and (f) the servants or agents of persons mentioned in (c), (d) and (e); unless the damage resulted from their personal act or omission, committed with the intent to cause such damage, or recklessly and with knowledge that such damage would probably result».

234 K. Le Couviour, op.cit., préf. A. Vialard, PUF, 2007, n0 447, p. 183.

235 Ph. Boisson, « L’OMI adopte une nouvelle convention pour indemniser les dommages dus à la pollution par les soutes», DMF 2001, p. 659.

236 Ph. Delebecque, « ARMATEUR. Responsabilité. Dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute. Projet de convention OMI», RTD Com. 2001, p. 1049.

237 Par ailleurs la Convention retient l’assurance obligatoire de même que la possibilité d’une action directe contre l’assureur.

238 Article 6 : « Nothing in this Convention shall affect the right of the shipowner and the person or persons providing insurance or other financial security to limit liability under any applicable national or international regime, such as the Convention on Limitation of Liability for Maritime Claims, 19761, as amended.»

239 Ph. Boisson, op. cit., DMF 2001, p. 659.

240 R. Rodière et E. Du Pontavice, op.cit., n0 167, p.150.

241 I. Corbier, « Les créances non limitables», DMF 2002, p. 1038.

242 P. Bonassies et C. Scapel, op. cit., n0 455, p. 306; M. Rémond Gouilloud, op. cit., n0 410, p. 232; A. Vialard, op. cit., n0 168, p.144; R. Rodière et E. Du Pontavice , op. cit., 12ème éd., 1997, n0 167, p. 150.

En contrepartie de ce plafond élevé, aucun cas de déchéance du droit à limitation n’est établi par la Convention ou la loi française, sauf bien sur le cas de faute volontaire de l’exploitant, eu égard aux principes fondamentaux du droit français242.

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