L’objet et les sujets du procès civil devant le juge répressif

L’objet et les sujets du procès civil devant le juge répressif

§2. L’examen de l’action civile par le juge répressif

556. Si l’on admet que l’action civile puisse être portée devant le juge répressif, une fois déterminées les conditions dans lesquelles le juge répressif peut être saisi de cette action, il reste à définir les modalités selon lesquelles l’action civile va être jugée par le juge répressif.

Cela vise non seulement le jugement de l’action civile, c’est-à-dire l’examen proprement dit de cette action par le juge répressif, mais également le jugement sur l’action civile, c’est-à- dire la décision rendue sur cette action.

Ici encore, le régime de l’action civile doit être dicté par la nature de cette action et par la compétence du juge répressif à son égard. Ces données permettent de préciser tant l’objet et les sujets de l’action civile soumise au juge répressif (A.), que ses effets (B.).

556 J. Larguier : L’action publique menacée, D. 1958 chron. p. 29; X. Pin : La privatisation du procès pénal, RSC 2002 p. 253.

A. L’objet et les sujets du procès civil devant le juge répressif

557. L’objet de l’action civile est défini de manière à la fois extensive et restrictive par la nature indemnitaire de cette action. Il est défini de manière restrictive en ce que l’objet de l’action civile est limité à l’indemnisation des préjudices résultant des faits dont le juge répressif est saisi, à l’exclusion des questions relevant de l’action publique.

Mais cet objet est défini de manière extensive en ce que le juge répressif saisi de l’action civile a le pouvoir et le devoir trancher toutes les questions relatives à cette action.

Le caractère accessoire de la compétence du juge répressif sur l’action civile, par rapport à sa compétence principale sur l’action publique, permet en outre de situer la place de l’action civile dans le procès pénal.

Quant aux sujets, ils peuvent également être définis de manière à la fois extensive et restrictive.

De manière restrictive, les sujets de l’action civile sont les parties à l’action en indemnisation. De manière extensive, les sujets du procès civil sont non seulement ces parties à l’action, mais également le juge répressif qui statue sur cette action.

Nous pouvons donc envisager successivement les acteurs de l’action civile, qui correspondent aux sujets du procès civil (1°), et l’objet ce cette action, qui renvoie à l’office du juge répressif à l’égard de l’action en indemnisation (2°).

557 J. Granier : Quelques réflexions sur l’action civile, JCP 1957 I 1386, n° 90 et obs. sous Nîmes 16 février 1956, JCP 1957 II 9800 et sous Paris 13ème Ch. 19 décembre 1956, JCP 1957 II 9868. Sur le terme « fictice », cf. supra note 481.

1°. Les acteurs de l’action civile

558. Les acteurs de l’action civile sont non seulement les sujets de cette action, c’est-à-dire les parties à l’action en indemnisation (b), mais également le juge qui peut être saisi de l’action, en l’occurrence le juge répressif reconnu compétent pour statuer sur les intérêts civils (a).

a) Les juridictions répressives pouvant être saisies de l’action civile

559. L’attribution de la compétence civile par le législateur. La compétence du juge répressif à l’égard de l’action civile ne va pas forcément de soi, dans la mesure où selon l’ordre naturel des choses, le juge répressif est le juge de l’action publique et le juge de l’action civile est le juge civil831.

559 J. Vidal : art. préc., n° 18 in fine.

En conséquence, la compétence civile du juge répressif n’a rien d’automatique et suppose d’avoir été expressément décidée par le législateur.

Cette décision du législateur peut être d’une ampleur variable selon les motifs retenus pour admettre cette compétence. Le législateur peut se montrer sensible à des arguments d’opportunité de portée limitée, et restreindre en conséquence la faculté de connaître de l’action civile à quelques juridictions répressives devant lesquelles ces arguments sont opérants.

Il peut également retenir des arguments de portée plus générale, par exemple la source commune des actions pénale et civile dans les mêmes faits, pour attribuer la compétence civile accessoire à l’ensemble des juridictions répressives. Une solution intermédiaire est d’attribuer cette compétence à un ensemble déterminé de juridictions répressives832.

Ainsi, il n’est pas si tautologique d’affirmer que les juridictions répressives pouvant être saisies de l’action civile sont celles auxquelles le législateur a expressément conféré compétence s’agissant de l’action en indemnisation.

560. Limite de la compétence civile du juge répressif. Il peut être utile de préciser que, quand bien même un juge répressif serait compétent à l’égard de l’action civile, cela ne signifie pas pour autant que l’action civile pourrait systématiquement être portée devant lui.

Ainsi, l’action en indemnisation concernant les faits poursuivis ne peut pas être portée devant le juge répressif lorsqu’elle ne relève pas de la compétence du juge judiciaire833 ou lorsqu’elle relève de la compétence exclusive d’un juge spécial834.

Dans la mesure où l’action civile est entendue strictement comme l’action en réparation, elle ne peut alors pas être soumise au juge répressif, qui ne sera saisi que de l’action publique. Si une victime pénale veut saisir le juge répressif, cela ne pourra être que de l’action publique835.

561. Juridictions de jugement et juridictions d’instruction. La question peut éventuellement être posée de savoir s’il y a lieu de distinguer entre les juridictions répressives de jugement d’une part, et celles d’instruction d’autre part.

La compétence civile du juge répressif du fond ne pose guère de difficulté dans la mesure où il est admis que, de même qu’il peut trancher l’action publique, il peut statuer sur l’action civile à partir du moment où il reçoit compétence pour le faire.

En revanche, la compétence de la juridiction répressive d’instruction à l’égard de l’action civile a été contestée, aux motifs notamment que cette juridiction ne serait pas en mesure de statuer sur cette action et que sa mission serait limitée à l’action en répression.

S’agissant du dernier aspect, il peut être répondu que le juge d’instruction a désormais une mission qui s’étend aux conséquences civiles des faits poursuivis car il peut également procéder à « tout acte lui permettant d’apprécier la nature et l’importance des préjudices subis par la victime »836.

Etant rappelé que l’établissement des faits rend possible la caractérisation non seulement de qualifications pénales, mais également d’obligations civiles à réparation, les investigations de la juridiction d’instruction sont le prélude au jugement aussi bien de l’action publique que de l’action civile devant le juge répressif du fond.

Certes, le juge d’instruction ne statue pas au fond et il ne peut donc pas rendre de décision sur l’action civile qui trancherait cette dernière. En ce sens, il ne peut être saisi de l’action civile stricto sensu, au sens d’action en indemnisation.

Cependant, la juridiction d’instruction ne peut non plus statuer au fond sur l’action publique et cela ne l’empêche pas de rendre une décision sur l’existence de charges suffisantes justifiant un renvoi devant la juridiction de jugement.

En outre, si les parties à l’action civile ne peuvent attendre de la juridiction d’instruction une décision sur le droit à indemnisation, elles ont un intérêt plus qu’évident à participer à l’instruction qui lie le contentieux soumis au juge du fond, notamment sur l’action civile.

562. A bien y regarder, la juridiction d’instruction ne peut connaître de l’action civile en ce sens qu’elle ne peut trancher au fond les problèmes d’indemnisation du préjudice.

Néanmoins, il apparaît souhaitable que les personnes recevables à participer à l’action civile devant le juge répressif du fond soient autorisées à participer à l’instruction afin de contribuer à l’avancement de cette dernière.

Delmas-Marty : Droit pénal des affaires, 3ème éd. P.U.F. Thémis p. 234.

560 J. Vidal : ibid. Sur le caractère purement pénal de l’action des personnes morales de droit privé, « véritables auxiliaires du ministère public », F. Boulan : art. préc., n° 38.

561 Articles 2-3, 2-8, 2-9, 2-12, 2-15, 2-16, 2-18 et 2-20 du Code de procédure pénale.

562 J. Vidal : art. préc., n° 13; G. Chesné : L’assureur et le procès pénal, RSC 1965 p.

Les pouvoirs de ces parties doivent être limités en tenant compte de leur qualité de partie à l’action civile.

La question est alors de savoir si l’action civile peut être portée devant le juge d’instruction de la même manière qu’il peut être saisi de l’action publique, sans qu’il soit statué au fond837.

b) Les parties à l’action civile

563. Conséquence de la compétence civile du juge répressif. De la compétence du juge répressif concernant l’action civile, il résulte que toute personne pouvant prétendre à la qualité de partie à cette action doit pouvoir participer à son examen devant le juge répressif.

En effet, à partir du moment où le juge répressif est reconnu compétent pour statuer sur l’action civile, il n’y a pas lieu de distinguer parmi les parties à cette action.

En d’autres termes, toute personne qui pourrait être partie à l’action civile devant le juge civil peut l’être devant le juge répressif car il s’agit de la même action, simplement exercée devant un juge différent.

Ces personnes doivent donc être admises à prendre part au procès pénal, étant précisé que c’est uniquement dans la mesure de leur participation à l’action civile.

Ainsi, la compétence civile du juge répressif suppose la participation au procès pénal de personnes qui ne sont intéressées que par des problèmes d’ordre purement civil.

Il est compréhensible que cela suscite la méfiance de ceux qui sont attachés à la préservation de la mission répressive du juge, mais force est de constater qu’il s’agit d’une conséquence inéluctable de la compétence civile du juge répressif.

Réciproquement, une personne qui n’est intéressée que par l’action publique ne peut être partie à l’action civile, bien que les deux actions soient portées devant le même juge.

Le ministère public, par définition étranger au litige de l’indemnisation, et la victime pénale n’ayant pas subi de préjudice ou ne pouvant en demander réparation, ne peuvent être partie à l’action civile.

563 Crim. 25 février 1897, Bull. n° 71, S. 1898, 1, 201 note J.-A. Roux.

564. Les demandeurs à l’action civile. En demande, peut être partie à l’action civile toute personne ayant intérêt et qualité à exercer l’action en indemnisation, c’est-à-dire toute victime civile838.

On pense en premier lieu à la victime de l’infraction, c’est-à-dire à la personne qui a subi le préjudice indemnisable dont elle demande réparation.

Mais les ayants droit de la victime doivent également être considérés comme des victimes civiles, car ils invoquent bien le droit à réparation du préjudice découlant des faits poursuivis.

Ces ayants droit sont les héritiers, les cessionnaires par voie de subrogation (caisse de Sécurité sociale, assureur, employeur…) ou par voie de cession de créance.

565. Les défendeurs à l’action civile. En défense, doit pouvoir être partie à l’action civile toute personne à laquelle l’indemnisation du dommage découlant des faits poursuivis peut être réclamée, et/ou qui a intérêt à faire juger qu’elle n’est pas tenue à réparation de ce dommage.

Aussi, non seulement le prévenu, responsable de son propre fait, et le civilement responsable, responsable du fait de l’auteur de l’infraction, mais également tout débiteur de l’indemnisation revenant à la victime doit pouvoir être partie à l’action civile : garant de l’indemnisation (assureur de responsabilité), débiteur direct d’une indemnisation en vertu d’une obligation légale (caisse de Sécurité sociale, fonds de garantie) ou contractuelle (assureur de choses ou de personnes tenu de verser une indemnité d’assurance).

566. Les droits de parties à l’action civile. Les personnes qui ont la qualité de partie à l’action civile disposent des droits afférents à cette qualité.

Ces droits sont d’ailleurs circonscrits à l’examen de l’action civile. En premier lieu, nous pouvons distinguer la qualité de partie à l’action civile de la qualité à agir, qui permet de mettre en mouvement cette action839.

La qualité de partie à l’action civile n’est en effet acquise que lorsque la personne prend part à l’action par voie d’action, ou par voie d’intervention volontaire ou forcée.

En second lieu, les droits de la partie à l’action civile sont limités au jugement de cette action, et la partie à l’action civile ne peut s’immiscer dans le jugement de l’action publique.

564 Cf. supra n° 55 et s.

565 Pour de nombreux exemples, R. Merle et A. Vitu : Traité de droit criminel, t. 2 : Procédure pénale, Cujas 5ème éd. 2001, n° 82.

Toutefois, dans la limite de l’examen de l’action civile, les parties à cette action doivent disposer de toutes les prérogatives habituellement reconnues à des parties à une instance : droit de présenter des moyens de défense pour discuter les faits et le droit applicable, droit de présenter des moyens de procédure, droit de regard sur la conduite de l’instance840…

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
L’intervention de l’assureur au procès pénal
Université 🏫: Université Nancy 2 Faculté de Droit - Ecole Doctorale Sciences Juridiques
Auteur·trice·s 🎓:
Monsieur Romain SCHULZ

Monsieur Romain SCHULZ
Année de soutenance 📅: THESE en vue de l’obtention du Doctorat en Droit - le 18 novembre 2009
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