Avocat face à 2 mondialisations : les entreprises et les Mafias

Université PANTHEON ASSAS

PARIS II

Mémoire pour le diplôme d’Université Analyse des Menaces Criminelles ContemporainesAvocat face à 2 mondialisations : les entreprises et les MafiasL’avocat face à deux mondialisations : Les entreprises et les mafias

Année universitaire :

1999 – 2000

«L’Université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les mémoires ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs»

Préambule

il n’est pas possible d’évoquer la conception que peut avoir chaque avocat de sa profession, surtout à l’heure où les 181 barreaux français n’ont pu s’entendre sur le Règlement Intérieur Harmonisé, aussi faut-il simplement reconnaître que les enjeux au cours des dernières années ont permis de déceler l’existence de deux tendances :

– la première, celle qui s’inscrit dans la tradition du droit et de l’indéniable culture humaniste que la plupart des avocats ont toujours privilégiée

– la seconde, qui entend favoriser la place de l’économie et celle du profit, laisse prévaloir le pragmatisme des affaires, et à ce titre, peut être considérée comme héritière de ce qu’il est convenu d’appeler les agents d’affaires

Pour les partisans de la première tendance, les exigences déontologiques qui avaient conduit à l’époque à établir une distinction entre l’exercice de la profession d’avocat et celle d’agent d’affaires, ont été mises à mal et effectivement, plusieurs décennies après, certains considèrent que les agents d’affaires ont peu à peu cannibalisé la profession d’avocat.

En revanche, pour les partisans de la seconde tendance, la profession d’avocat serait morte s’ils n’étaient venus insuffler cette nécessaire adaptation au monde des affaires et par conséquent au monde de l’entreprise à l’époque de la chute des frontières.

La querelle des anciens et des modernes demeure éternellement d’actualité et aborder la confrontation à l’échelle de la planète, des entreprises et des mafias, sous l’œil de l’avocat, c’est tout d’abord poser la question, de quel avocat ?

Force sera cependant de considérer que l’avocat, observateur privilégié de la vie politique, sociale et économique ne peut lui-même que constater l’inclinaison de plus en plus forte de tout individu vers l’argent, le profit, tout en constatant qu’aujourd’hui enfin, l’argent a effectivement une couleur.

Que dire également des entreprises qui négligent ou abandonnent la vocation première de leur activité pour privilégier les placements financiers et les spéculations en bourse, ce qui les conduit parfois à perdre leur compétitivité sur le plan de la qualité des produits et des services, et ce qui les contraint à recourir dans certains cas à des artifices tant sur le plan comptable que sur le plan financier pour compenser leurs fautes de gestion.

De leur côté, les citoyens se trouvent confrontés à des choix de plus en plus difficiles, puisque face au chômage, face à la violence, l’information donne à ces sujets si délicats et si douloureux une dimension mondiale.

Qu’il s’agisse de l’application de la peine de mort, là où elle existe encore, ou qu’il s’agisse du trafic de la drogue, les citoyens français sont effectivement persuadés que, si la peine de mort est effectivement devenue de plus en plus dissuasive, c’est lorsqu’elle est appliquée par des mafias.

Le caractère ignoble de la sanction qui a conduit les états européens à son abolition, n’empêche pas certains de penser qu’en agissant ainsi, on a purement et simplement désarmé les démocraties.

Nul doute que parmi les partisans de l’abolition de la peine de mort, il y avait des humanistes sincères, mais il y avait également des serviteurs zélés d’organisations criminelles qui souhaitaient pour des raisons, bien entendu différentes, cette abolition.

Dans le même esprit, le discours haut et fort qui appelle à la répression sévère du trafic de la drogue ne semble avoir laissé aucun trace jusqu’à ce jour d’une quelconque efficacité, mais en revanche, cette volonté affichée de répression aboutit dans la rue à augmenter le cours du gramme de cocaïne.

Aucune autre époque n’a donné jusqu’à ce jour autant de moyens au citoyen d’être informé et d’encourir le risque de la désinformation.

Pourtant, c’est à ce prix que peut vivre une démocratie et à l’heure où le barreau français tout entier a bien du mal à trouver sa cohésion, force est là encore de rappeler qu’avant d’être un avocat, celui-ci était un juriste, qu’avant même d’être un juriste, il est un citoyen.

De même que le médecin ne cesse pas d’être médecin lorsqu’il dîne dans un salon parisien, et qu’il ne peut s’empêcher en s’attardant sur le teint ou les traits d’un visage, d’établir un diagnostic, l’avocat ne cesse, de son côté, d’écouter et de regarder, et d’établir également le diagnostic qui consiste pour le juriste à qualifier des actes, des faits.

Depuis plus de dix ans, le nombre des articles de Presse et d’ouvrages consacrés au système mafieux permet de penser que ce système a triomphé au XXème siècle, et ce dans des proportions qui varient en fonction des pays concernés.

Dans la plupart des pays où le système s’est installé de façon décisive, c’est le plus souvent sous la forme des entreprises puisque celles-ci constituent à la fois une formidable source de profit et la forme moderne la plus élaborée du cheval de Troie, qui permet sans grand risque et de la façon la plus spectaculaire qui soit, de conquérir tout d’abord des parts de marché, puis dans un second temps des états tout entier.

Le terme de parcours est apparu opportun pour présenter une profession que l’histoire a négligée tout simplement parce que, pendant longtemps, l’histoire n’a été écrite que par le pouvoir et pour assurer la pérennité de ceux qui le détenaient aussi est-ce à travers ces méandres, qu’il convenait d’évoluer.

En effet, l’avocat n’a vraiment existé, en remplissant dans toute sa plénitude sa vocation, que lorsqu’il a osé affronter le pouvoir et ce quelle que soit sa forme, qu’il s’agisse du pouvoir détenu pendant des siècles par le prince, qu’il s’agisse du pouvoir des Etats, aujourd’hui partagé avec les multinationales ainsi qu’avec des organisations criminelles.

L’Europe a vu s’effectuer cette transformation prenant en considération ces nouveaux rapports de force.

Un numéro spécial du magazine «Enjeux des Echos» des mois de juillet et août 2000, présentait ce titre évocateur de la situation actuelle : «Demain la jungle ? Un monde en quête de règles».

L’Europe, le monde entier, auraient par conséquent besoin de règles. Mais qui les ferait respecter ?

Dans le cadre du centre de recherche consacré à l’analyse des Menaces Criminelles Contemporaines, le Professeur André DECOCQ rappelait que le droit communautaire était parfaitement autonome et qu’il avait pour but de créer des principes d’applicabilité directe primant sur le droit national de chaque pays.

Un arrêt du 9 mars 1978 a posé le principe de la primauté du droit communautaire sur le droit national

C’est affirmer que le citoyen européen, comme l’entreprise européenne, doivent, pour exister et prospérer, naviguer, dans un premier temps, sur un océan de textes et de coutumes tenant compte des particularismes locaux, et soumis peu à peu à l’impérium d’un droit fédéral.

Pour le citoyen comme pour l’entreprise, l’assistance juridique et judiciaire supposera d’être en relation avec plusieurs avocats, puisque chacun d’eux sera présumé ne pouvoir intervenir efficacement et de façon habituelle que sur le territoire national dont il dépend.

Pour des raisons qui tiennent encore à des subtilités de langage, à la relative complexité des textes, ainsi qu’à des usages locaux non écrit, qui assurent la protection des professionnels du droit, il est certain qu’aucun avocat ne peut prétendre couvrir le champ européen et qu’il faut par conséquent recourir à des correspondants, même si ces derniers exercent dans un autre pays sous la même dénomination.

Sur le plan européen, le traité de Maastricht a prévu de mettre en place une politique de sécurité commune, notamment en application des articles 29 et 42 dudit traité et il peut être envisagé avec le traité d’Amsterdam un dessaisissement partiel des états en faveur d’une fédéralisation du droit pénal.

S’agissant plus particulièrement de la criminalité organisée, l’article 29 du traité prévoit une coopération policière plus étroite avec la création d’Europole.

Cependant, dans le cadre de l’Europe, cette mise en place est lente puisque subsistent non seulement des susceptibilités mais également des exigences de souveraineté qui procèdent le plus souvent d’une très longue histoire, et, sur le plan juridique, afin de prévenir les conflits de compétences entre états membres, il faudra notamment, en matière pénale, prévoir des peines identiques pour des faits identiques.

L’expérience a montré l’ampleur de ces difficultés d’adaptation au travers du trafic des stupéfiants, compte tenu de la législation qui existe d’ores et déjà aux Pays Bas ainsi qu’au travers du délit de blanchiment puisque la France, de son côté, n’a pas accepté d’aller aussi loin que la convention du Conseil de l’Europe de Strasbourg en date du 8 novembre 1980, s’agissant de la présomption légale de culpabilité qui avait été envisagée et qui n’a pas été retenue.

Aujourd’hui, le nombre des ouvrages consacrés aux organisations criminelles transnationales, ne permet plus à ceux qui manifestent un quelconque intérêt pour la démocratie de ne pas être informés.

Notamment, les Presses Universitaires de France (PUF) consacrent une collection à la Criminalité Internationale, offrant pour la première fois les moyens à chaque citoyen d’aborder le thème de la démocratie dans son ensemble, c’est à dire sur tous les plans à la fois politiques, économiques et sociaux, mais également sous un angle d’approche beaucoup plus conforme à la réalité.

Pour des raisons qui apparaissent évidentes, il n’est pas possible d’aborder la conception et l’idéal de chaque avocat concernant le mode d’exercice de sa profession, et par là même, les évènements auxquels sont confrontés les citoyens, ainsi que les avocats au travers du monde de l’entreprise et du monde des mafias, ne peuvent être abordés que sur le terrain des hypothèses.

Il existe ainsi de nombreuses questions auxquelles chacun, en fonction de son histoire génétique, culturelle et politique, doit apporter une réponse.

En revanche, ce qui est certain, c’est que l’Avocat a toujours été présent dans toute société humaine pour assister ou représenter celui qui est mis en accusation par le groupe.

Son existence répond à un besoin, tout simplement parce que tout ce qui se juge, se plaide et parce qu’il est universellement admis que l’on est jamais un bon Avocat de soi-même.

Table des matières

Préambule
Chapitre I Le parcours historique de l’Avocat
Section I – La Noblesse de Robe
§ – L’ancien régime
Section II – La Révolution et les Avocats du Marais
Section III – L’évolution du serment
Section IV – L’avocat et ses relations avec le pouvoir : l’Etat, la Mafia
§1 – La prestation de l’Avocat
§2 – Etat et Mafia : en tant que détenteurs de pouvoir
§3 – Daumier
Chapitre II Avocat et Entreprises
Section I – Le mercantilisme
Section II – Approche d’une définition de l’Entreprise
§1 – La régulation du monde des affaires
§2 – l’ordre public international
§3 – Les capitaines d’industrie
Section III – Métamorphose de la Profession d’Avocat
§1 – Une fusion mal digérée
§2 – La mondialisation est-elle un espace de non-droit
2.1 – New-York
2.1 – Californie
2.1 – New-Jersey
2.1 – Texas
Section IV – L’opposition du chiffre et du droit : un débat qui n’a pas lieu d’être dans une démocratie
§1 – L’économie et la finance au service de la conquête
§2 – Un diagnostic parfaitement établi
2.1 – Mythe et réalité
Chapitre III Avocats et Mafias
Section I – Un pouvoir fondé sur la négation du droit
§ – L’information
Section II – L’Avocat Des principes essentiels
§ – Le secret professionnel
Section III – L’avocat face au risque de la complicité
Section IV – Déclaration de soupçon
§1 – Le maniement des fonds et ses limites : le risque du blanchiment
§2 – L’avocat et la déclaration de soupçon
Chapitre IV L’Entreprise Mafieuse
Section I – Le retour des armes
Section II – L’explosion du pouvoir financier : un monde sans souveraineté, une absence de régulation par les institutions adaptées
Section III – Le trafic de la drogue et le blanchiment
§1 – le trafic de la drogue à la fin du 20ème siècle
§2 – Rapport d’informations de Monsieur Gérard LARCHET, Sénateur
§3 – La drogue : crime contre l’humanité ?
§4 – Le blanchiment
§5 – Le nouveau délit général du blanchiment de l’argent
§6 – Le Barreau et le blanchiment
Section IV – La transparence des institutions : vers la société socialement responsable et la fin d’une justice sinistrée
§1 – La transparence
§2 – Valoriser les valeurs : la société socialement responsable
§3 – L’application de la loi dans l’espace et dans le temps ?
§4 – La prescription
§5 – La Corruption des crimes et délits contre la Nation, l’Etat et Paix publique
§6 – Une justice sinistrée : démocratie en danger

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
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Avocat face à 2 mondialisations : les entreprises et les Mafias
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