II.2. Explication des déterminants d’accès au crédit bancaire : cas des micro entreprises (tests à l’aide du modèle Probit bivarié)
II.2.1. Présentation du modèle
La demande ou non du crédit formel ainsi que son obtention ou non sont la réalisation de variables latentes sous forme de variables dichotomiques, de sorte que :
1) DEMAND = 1 si le gestionnaire de la micro entreprises effectue une demande de crédit formel et DEMAND = 0 sinon ;
2) CREDIT = 1 si le gestionnaire de la micro entreprises effectue une demande de crédit formel et la banque le lui accorde. CREDIT = 0 sinon.
Un gestionnaire de micro entreprises effectuera une demande de crédit si et seulement si son utilité espérée d’effectuer une demande de crédit est strictement supérieure à zéro, et une banque consentira un prêt si et seulement si son rendement espéré sur ce prêt est strictement supérieur à zéro, de sorte que :
1) DEMAND = 1 si E (U) > 0
2) CREDIT = 1 si E (π) > 0
On va se baser sur un modèle probit bivarié qui prend en compte à la fois le fait de demander ou non un crédit formel et le fait de l’obtenir ou non.
Le probit bivarié nous permet d’analyser les déterminants qui poussent les micro entreprises à effectuer ou non une demande de crédit formel et ensuite les déterminants de l’obtention ou non de ce crédit…
Puisqu’il est impossible d’obtenir le crédit sans en faire auparavant une demande, il y aura un biais de sélection dans notre probit bivarié étant donné l’autosélection des gestionnaires de micro entreprises au moment de faire une demande de crédit formel. Nous allons donc estimer un probit bivarié avec biais de sélection.
Les variables qui pourront affecter le choix de demander un crédit formel ainsi que la décision de la banque sont résumées dans le tableau suivant :
Tableau 24 : Signification des variables du modèle

VariablesSignification
SECTEUR1=1 si le secteur dans lequel opère la micro entreprises est « l’industrie et l’artisanat », 0 sinon
SECTEUR2=1 si le secteur dans lequel opère la micro entreprises est « la construction », 0 sinon
SECTEUR3=1 si le secteur dans lequel opère la micro entreprises est « le commerce », 0 sinon
LOCAL1=1 si la micro entreprises possède un local, 0 sinon
LOCAL2=1 si la micro entreprises ne possède pas de local fixe (ambulant ou place fixe sur le trottoir), 0 sinon
LOCAL3=1 si le micro entrepreneur travaille à domicile, 0 sinon
EAUPOTABL
E
=1 si la micro entreprises dispose de l’eau potable, 0 sinon
ELECTRICITE=1 si l’entreprise dispose de l’électricité, 0 sinon
REGISTRE=1 si la micro entreprises est enregistrée au registre du commerce, 0 sinon
PATENTE=1 si la micro entreprises est enregistrée à la patente, 0 sinon
CNSS=1 si la micro entreprises est affiliée à la CNSS, 0 sinon
AGEMEAge de la ME
TAILLEEffectif des salariés travaillant dans la ME
AGECHEFAge du chef de la ME
AGE2Age au carré du chef de la ME
SEXE=1 si le chef de la micro entreprises est homme, 0 sinon
NIVEAUSCOLNiveau scolaire du chef de la ME
CHIFFREAFFChiffre d’affaire de la ME
PROBLEME=1 si la micro entreprises a déjà eu des problèmes avec les agents de l’Etat , 0 sinon

Toutes ces variables pourront être considérées par le chef de la micro entreprises comme des garanties, ce qui pourra expliquer son comportement d’autosélection.
Les mêmes variables seront prises pour expliquer les déterminants de la sélection des banques.
On s’attend à ce que la variable «ACT3» (commerce) ait un coefficient significatif et positif, puisque c’est le secteur qui bénéficie le plus du crédit formel conformément au rapport du MIC17. Idem pour les variables :
«LOCAL1» puisque le fait de disposer d’un local augmente les chances de bénéficier du crédit bancaire, «EAUPOTABLE»,
«ELECTRICITE» qui constituent le minimum pour juger de la modernité de la micro entreprises et enfin les variables :
«REGISTRE», « PATENTE » et «CNSS», qui reflètent le degré de formalisation de la micro entreprises.
Nous pensions également que l’âge du gestionnaire est l’un des déterminants les plus significatifs du fait d’obtenir ou non un crédit formel et nous introduisons l’âge au carré afin de vérifier s’il n’y a pas une relation non linéaire entre l’âge et le fait d’obtenir ou non un crédit formel. Nous attendons à ce que l’âge ait un coefficient positif ce qui veut dire que la banque préfère prêter aux gestionnaires les plus âgés (donc les plus expérimentés) et à ce que l’âge au carré ait un coefficient négatif, ce qui dénoterait qu’il y a un âge «optimal » auquel la probabilité d’obtenir du crédit est la plus élevée.
La scolarisation du gestionnaire est aussi déterminante dans la décision de la banque de prêter ou non. Nous attendons à ce que cette variable ait un coefficient positif.
La variable «SEXE» est introduite pour savoir s’il existe à l’égard des femmes une certaine forme de discrimination institutionnelle pour l’obtention de prêt.
En ce qui concerne l’âge de la micro entreprises, nous croyons que cette variable dénote de la pérennité de l’entreprise et donc sa viabilité. L’entreprise la plus ancienne aura les plus grandes chances d’avoir le crédit formel. De ce fait, on s’attend que cette variable ait un coefficient positif.
Stiglitz et Hoff ((1997), cité par Laouali et Tritah (1998)) ont conclu que le fait qu’un gestionnaire de micro entreprises obtient du crédit formel lors du processus de création de cette dernière pourrait jouer fortement en sa faveur lors d’une demande ultérieure de crédit formel ( réputation), étant donné qu’on ne dispose pas de cette variable on a pensé à introduire une variable proche et qui pourra refléter la pérennité de la micro entreprises, c’est le fait que cette dernière n’a jamais eu des problèmes avec les agents de l’Etat.
Enfin, nous attendons à ce que la taille de la micro entreprises et son chiffre d’affaire aient des coefficients positifs.
Nous avons précédemment mis en lumière la faible proportion des micro entreprises ayant accès au crédit bancaire : Qu’est ce qui distingue ces micro entreprises des autres ?
Autrement dit, quelles sont les caractéristiques que doit réunir une micro entreprises pour maximiser sa probabilité d’accès au crédit bancaire ?
II.2.2. Analyse de la demande : L’autosélection18
Il aurait pu être intéressant de poser une question sur les motifs qui poussent les micro entreprises à opérer une autosélection, dans le sens où elles s’estiment remplir les conditions d’accès aux prêts. La question est aussi de savoir s’il s’agit d’un problème inhérent au manque d’information sur les services que peut rendre une banque ou s’agit t-il d’une autosélection à posteriori émanant d’autres facteurs comme : le manque de garanties, les taux d’intérêts élevés, le fait que l’intérêt est prohibé par la religion, etc.
Néanmoins, cela n’empêche pas de mener une analyse intéressante en se basant sur les caractéristiques des micro entreprises pour expliquer les déterminants de l’autosélection dans leur ensemble. On peut ainsi voir globalement à travers un modèle Probit, comment les variables retenues expliquent le fait qu’une micro entreprises demande ou pas un emprunt bancaire.
Les résultats de cette estimation sont présentés comme suit :
Tableau 25: Les déterminants de la probabilité d’accès au crédit.

VariablesCoefficientsT de Student
CONSTANTE-0,576-3,541*
SECTEUR1Réf
SECTEUR2-0,216-2,723*
SECTEUR3-0,135-2,337*
LOCAL10,2132,736*
LOCAL20,1582,041*
LOCAL3Réf
EAUPOTABLE-0,274-0,529
ELECTRICITE0,1212,171*
REGISTRE0,3997,040*
PATENTE-0,230-4,294*
CNSS0,1237,327*
AGESE0,2341,156***
TAILLE0,5702,204*
AGECHEF0,2534,083*
AGE2-0,269-4,083*
SEXE-0,966-1,666***
NIVEAUSCOL0,3362,069*
CHIFFREAFF0,2465,492*
PROBLEME0,4710,837
Log de vraisemblance-716,7656
F de Fisher17,63
Chi- deux197,235
Nombre de degrés de
liberté
18
R2 ajusté0,35
Nombre d’observations8191

significatif à 1% ou 2%, ** significatif à 5%, *** significatif à 10%

Prévision
ObservationPas de crédit
bancaire
Crédit bancaireTotal
Pas de crédit
bancaire
802408024
Crédit bancaire1661167
Total819018191
% de correct98%100%98%

Le modèle est globalement satisfaisant avec un pourcentage de prédiction de 98%19, un R2 ajusté de 0,35 et un F de Fisher supérieur à 2.
Le test du rapport du maximum de vraisemblance20 confirme que l’autosélection dans la demande de crédit relève, pour une grande part, de l’aléa au sens du modèle spécifié.
On va voir à présent si les différentes variables ont le signe attendu et si elles corroborent les résultats obtenus au niveau de la statistique descriptive déjà effectuée.
Les observations que l’on peut tirer de l’analyse économétrique se résument ainsi :
– Les micro entreprises qui opèrent dans les secteurs de construction (SECTEUR 2) et du commerce (SECTEUR 3), toutes choses égales par ailleurs, choisissent de ne pas demander un crédit auprès de la banque. Cela reprend en fait ce qui a été déjà dit au niveau du secteur du commerce. En effet, les micro entreprises qui opèrent dans ce domaine ont besoin de fonds qu’elles financent généralement par des crédits fournisseurs. Pour le secteur de construction, on peut dire que c’est un secteur qui caractérise surtout le péri-urbain (habitat insalubre) et ces zones sont quasiment dépourvues de couverture bancaire, c’est ce qui expliquent l’absence d’autosélection de ce genre de micro entreprises ;
– Que la micro entreprises possède un local (LOCAL 1) ou exerce son activité en se déplaçant ou en ayant une place fixe sur le trottoir (LOCAL 2), cela augmente les chances de demander un crédit bancaire. Les micro entreprises qui possèdent un local le considère peut être comme une garantie, ce qui les encourage à demander le crédit bancaire. D’un autre côté, le fait de posséder un local fixe permet l’accès à un certain nombre de services publics, reflétant le niveau de richesse de l’entreprise, comme : l’électricité, l’eau, les égouts, le téléphone…choses qui pourront constituer des facteurs encourageant la micro entreprises à demander le crédit auprès de la banque ;
– Le fait de posséder de l’électricité augmente la probabilité de demander un crédit auprès de la banque. Par contre, la possession de l’eau n’a pas d’effets significatifs. On pourrait penser aux explications déjà citées au niveau des tableaux croisés.
– Le fait d’être enregistré au registre de commerce ou affilié à la CNSS augmente la probabilité de demander le crédit bancaire. Les micro entreprises perçoivent cela comme des signes de formalités, ce qui les poussent à s’autosélectionner pour demander le crédit auprès de la banque ;
– Contrairement à ce qu’on a supposé, le fait de payer la patente diminue les chances pour les micro entreprises de demander le crédit bancaire. Cela peut s’expliquer par le fait que la plupart des micro entreprises qui paient la patente opèrent dans le commerce (29% des unités de ce secteur sont patentées)21. Or, c’est un secteur qui se base surtout sur les crédit fournisseurs comme c’est déjà cité;
– L’âge de l’entreprise augmente les chances de s’autosélectionner. Cela peut être dû au fait que les micro entreprises anciennes peuvent avoir déjà eu des expériences de prêt avec les banques ou tout simplement qu’elles considèrent leur persistance comme un signe de pérennité, ce qui les encourage à s’autosélectionner.
– On retrouve le fait que plus l’effectif employé dans la micro entreprises augmente, plus la proportion des gestionnaires à demander un crédit bancaire augmente;
– Un chef d’entreprise plus âgé, toutes choses égales par ailleurs, a plus de chance de demander un crédit auprès de la banque. En effet, les chefs d’entreprises les plus âgés sont les plus expérimentés, ce qui pourra servir de garantie ;
– La variable «AGE2» a également le signe attendu (signe négatif). Cela veut dire qu’il y a un âge ‘‘optimal’’ auquel la probabilité de demander un crédit bancaire est la plus élevée. Après cette âge, la probabilité commence à décliner en raison notamment de la baisse de l’efficacité dans la gestion, des problèmes au niveau de la santé…
– Le fait d’être de sexe masculin, toutes choses égales par ailleurs, diminue les chances de s’autosélectionner pour demander un crédit auprès de la banque. C’est un résultat surprenant, puisqu’on s’attendait à ce que les hommes demandent davantage le crédit auprès de la banque car ils prennent le risque plus que les femmes. Cela peut être dû à la grande proportion des hommes dans l’échantillon (87,6% sont des hommes) ;
– La variable «NIVEAUSCOL» a un coefficient positif, ce qui signifie que plus un gestionnaire est éduqué, plus sa probabilité de s’autosélectionner pour faire une demande de crédit formel est élevée, ce qui est conforme à nos attentes. En effet, puisque les gestionnaires les plus éduqués connaissent mieux le système bancaire que les gestionnaires les moins éduqués et jouissent d’une plus grande crédibilité auprès des banques, il est normal qu’ils s’autosélectionnent davantage. Le niveau scolaire peut jouer aussi en faveur de la pérennité dans le cas où il permet à l’entrepreneur de réaliser davantage de bénéfices que ses concurrents, ce qui pourrait constituer un facteur encourageant la micro entreprises à demander le crédit.
– Le chiffre d’affaires est aussi significatif et il a le signe attendu. Plus le chiffre d’affaires de la micro entreprises augmente plus la probabilité de demander du crédit auprès de la banque augmente. La micro entreprises ayant un chiffre d’affaires important est une entreprise qui se développe et a un grand besoin en investissement. C’est ce qui pourrait expliquer ce comportement. D’un autre côté, un chiffre d’affaire élevé pourra être perçu par la micro entreprises comme une sorte de garantie ce qui pourra expliquer aussi cette autosélection ;
– Contrairement à ce qui a été prévu, le fait que la micro entreprises ait des problèmes avec les agents de l’Etat ne semble pas jouer lors de l’autosélection bien que son coefficient a le signe attendu.
Cette partie a insisté donc sur le fait que le comportement de crédits des micro entreprises se caractérisait par une sévère autosélection.
Cette sévère autosélection est-elle justifiée ?
La réponse à cette question nous amène à étudier l’offre du crédit et, en particulier la stratégie de sélection des banques.
Nous utiliserons également dans ce paragraphe une estimation économétrique Probit. L’échantillon va être réduit juste aux entreprises qui ont choisi de faire appel au crédit bancaire, soit 434 micro entreprises.
II.2.3. Les facteurs déterminants de l’offre
Malgré une sévère autosélection, seulement 39,86% des micro entreprises ont vu leur demande de crédit accepté. Le tableau 26 résume le comportement d’offre de crédits des banques :
Tableau 26 : résultats des estimations du modèle probit sur les déterminants de la sélection des banques

VariablesCoefficientsT de Student
CONSTANTE-0,794-0,275
SECTEUR1Réf
SECTEUR2-0,124-0,074
SECTEUR3-0,139-2,046*
LOCAL1-0,125-1,045
LOCAL2-0635-0,505
LOCAL3Réf
EAUPOTABLE-0,305-0,467
ELECTRICITE0,1091,312
REGISTRE0,2924,243*
PATENTE-0,133-2,139*
CNSS0,1951,534***
AGESE-0,125-0,056
TAILLE-0,362-1,720***
AGECHEF0,2932,532*
AGE2-0,305-2,317*
SEXE-0,851-1,130
NIVEAUSCOL0,2541,154
CHIFFREAFF0,5931,765***
PROBLEME-0,845-1,150
Log de vraisemblance-256,0059
F de Fisher3,94
R2 ajusté0,10
Nombre d’observations434

• * significatif à 1% ou 2%, ** significatif à 5%, *** significatif à 10%

Effectifs prévus
Effectifs
Observés
Pas de crédit
bancaire
Crédit bancaireTotal
Pas de crédit
bancaire
22239261
Crédit bancaire9281173
Total314120434
% de correct70,70%67,5%60,14%

Le modèle dans son ensemble est prédictif à 69,82% même si le R2 ajusté parait plutôt faible. C’est un modèle significatif dans l’ensemble (F de Fischer supérieur à 2).
La population qui se présente aux guichets des banques a déjà effectué une autosélection et présente donc des garanties relativement suffisantes par rapport au reste de la population.
Nous considérerons les caractéristiques des micro entreprises comme des signaux envoyés par les micro entreprises aux banques. L’estimation économétrique va nous permettre de voir dans quelle mesure ces signaux sont perçus. Nous en proposons le classement suivant:
Caractéristiques socio économiques
– L’âge du gestionnaire : avec l’âge augmente la probabilité d’avoir accès au crédit bancaire. Les banques considèrent l’expérience du chef de la micro entreprises comme garantie d’une certaine solvabilité. Un effet seuil intervient cependant. En fait, à partir d’un certain âge (âge optimale ou âge de la retraite), la banque n’accorde plus de crédit du fait de l’espérance de vie qui se réduit et de la capacité de gestion qui se détériore. Le risque se pose aussi si le chef de l’entreprise n’a pas d’héritiers, dans ce cas, la probabilité de fermer l’entreprise est forte.
– Le niveau d’instruction : le niveau d’instruction des gérants des micro entreprises ne semble pas jouer dans les procédures de sélection des banques. Cela laisse à penser que les banques peuvent ne pas être compétentes dans l’évaluation des projets ou peuvent préférer financer des entreprises sur des critères autres que la performance si des problèmes d’asymétrie d’information existent. On peut supposer aussi que le niveau d’instruction va à l’encontre de la pérennité de la micro entreprises, dans l’éventualité ou il ne permet pas au chef de la micro entreprises d’améliorer significativement sa situation et ses perspectives, alors qu’il lui offre la possibilité d’être embauché dans le secteur formel. Autrement dit, les chefs d’entreprises les plus éduqués abandonneraient leurs entreprises informelles dès qu’ils rencontreraient une meilleure opportunité.
– Le sexe : Bien que cette variable ait un coefficient négatif, ce qui coïncide avec les résultats trouvés au niveau du premier Probit d’autosélection, elle n’est plus pertinente. Cela signifierait que les banques n’ont pas un comportement de discrimination en fonction du genre.
Caractéristiques de la micro entreprises
– Le secteur d’activité : Le fait d’appartenir au secteur commercial (comparé au secteur de l’industrie et de l’artisanat) diminue les chances de bénéficier du crédit bancaire. Si on se réfère au rapport de la Direction de la Statistique sur le secteur informel non agricole, on constate que 50,5% des micro entreprises opérant dans le secteur du commerce n’ ont pas de local, 78,7% n’ont pas d’eau potable et 79,5% ne sont pas reliées au réseau public des égouts, 79,5% ne disposent pas de téléphone et 99,7% n’ont pas de télécopie. Toutes ces caractéristiques laissent à penser que c’est un secteur précaire, ce qui pourra justifier le comportement de la banque vis à vis des commerçants du secteur informel.
– L’âge de l’entreprise n’a pas d’effets significatifs sur l’accès au crédit. Par contre sa taille agit négativement. Contrairement à l’hypothèse selon laquelle la banque considère lesmicro entreprises de grande taille comme un signe de solvabilité, on remarque que plus l’effectif employé dans la micro entreprises augmente, plus la probabilité d’accès au crédit diminue. La banque considère peut être la petite taille comme un élément qui semble « protéger » les micro entreprises de la disparition. Ce résultat s’approche de celui trouvé par Chiappori ((1984), cité dans Sarah Marniesse (2000)), qui montre que les petites entreprises ne disparaissent pas du tissu industriel, notamment parce qu’elles s’adaptent à leur environnement et adoptent un mode de fonctionnement adapté aux contraintes. Ainsi dans un contexte de réglementations rigides, une faible part de salariés dans la main d’œuvre (donc des charges en grande partie flexibles) est un atout face aux aléas de la conjoncture.
– Le chiffre d’affaires : Ce genre d’information s’inscrit dans le cadre de la stratégie de sélection des banques (screening) qu’on a déjà évoquée au niveau de la partie théorique. On remarque que cette variable a un effet positif sur l’accès au crédit. En effet, une entreprise qui a réalisé un chiffre d’affaires important sera plus disposée à régler ses dettes.
Les signaux de formalisation sont aussi des signaux de bonne gestion pour les banques. Nous distinguons les signaux suivants : Affiliation à la CNSS, paiement de la patente, enregistrement au registre de commerce et exercice de l’activité dans un local fixe.
D’après les résultats des estimations, on peut conclure que le fait d’être affilié à la CNSS ou d’être enregistré au registre de commerce augmente les chances de bénéficier du crédit bancaire. Par contre, le paiement de la patente et l’exercice de l’activité dans un local fixe n’a pas d’effet sur la probabilité d’avoir accès au crédit. C’est un résultat surprenant, du fait qu’on s’attendait à ce que ces deux variables -qui sont des signaux de formalisation importants- agissent positivement sur la stratégie de sélection par les banques.
D’après ce qui précède, on peut conclure que les micro entreprises ont un très faible accès au crédit bancaire et ceci parce qu’elles doivent subir deux sélections :
1- En amont, il s’agit de leur propre sélection, celle-ci peut être fondée sur une observation objective des garanties qu’elles ont à offrir ou sur des a priori.
2- Les micro entreprises doivent ensuite subir la sélection du système bancaire qui se caractérise par une aversion au risque. Le plus grand risque pour les banques semble être l’informalité. L’étude de la stratégie de sélection des banques amène également à conclure à l’incompatibilité entre le système financier formel et l’activité informelle.
Conclusion générale
L’analyse conduite dans ce mémoire permet de mettre en évidence les difficultés de financement qu’ont les entreprises marocaines que ce soit sur le plan formel ou informel. Nous avons parti de l’hypothèse que les micro entreprises ont des difficultés d’accès au crédit bancaire plus sévères que les entreprises formelles. Il s’est avéré qu’effectivement, l’informalité des micro entreprises représente le risque le plus grand pour les banques. Mais cela n’empêche de constater aussi que les critères sur lesquels les banques devraient baser leurs choix pour faire face aux asymétries d’information, tel que l’âge de l’entreprise (cas des ME), la taille (cas des entreprises formelles), l’investissement…ne sont pas déterminants. Le manque de maturité des banques marocaines explique sans doute ce phénomène : elles ne reconnaissent pas encore qu’une performance économique est la gage de sûreté de leur financement.
Les micro entreprises sont généralement considérées comme plus risquées par les prêteurs sans que pour autant on sache très bien distinguer ce qui est lié au projet en tant que tel, de ce qui résulte d’une faiblesse de l’information disponible sur cette catégorie d’entreprises.
Une solution à cette situation peut consister à offrir aux banques une intermédiation dans l’examen des dossiers des micro entreprises (par l’intermédiaire des institutions de micro financement par exemple) et/ou un système de garanties qui couvre le risque de manière suffisante (L’Etat qui peut déléguer sa signature aux banques).
Les banques en nouant des articulations avec les institutions de micro finance voient leurs activités augmenter ; elles peuvent s’impliquer dans l’activité de microfinance sans trop de risque puisqu’ils sont en partie assumés par ces institutions dont les taux de recouvrement sont très élevés car elles bénéficient du respect que leurs accordent les populations concernées par le microcrédit.
D’un point de vue global, le décloisonnement de ces deux segments contribue au développement et la continuité de l’offre des produits et services financiers par une plus grande intégration et une augmentation de l’efficacité globale du système.
Cependant, la mise en place d’une articulation requiert des conditions préalables : d’une part, la contribution des pouvoirs publics et des bailleurs de fonds à la construction d’un environnement réglementaire, économique et financier porteur ; d’autre part, elle concerne uniquement les institutions ayant atteint un niveau élevé de structuration institutionnelle ainsi qu’un certain volume d’activité.
Lire le mémoire complet ==> (Risque, incertitude et financement des micro entreprises au Maroc
Etude comparatiste avec les entreprises formelles du secteur manufacturier marocain
)

Mémoire pour l’obtention du DESA – UFR « Econométrie Appliquée à la Modélisation Macro et Microéconomique »
Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et sociales – Université Hassan II
__________________________________
17 Ministère de l’Industrie et du Commerce
18 Nous appelons ‘’auto sélection’’ le fait que les micro entreprises se considèrent comme candidates ou non au crédit bancaire.
19 C’est le pourcentage de prédiction correcte. Il est calculé en étudiant le tableau des effectifs observés et prévus. Le nombre de prédictions fausses s’obtiennent en additionnant les valeurs hors- diagonale, et en comparant avec le nombre d’observations totales. On a (0+166)/ 8191= 0,02. soit 1-0,02=0,98 est le pourcentage d’observations correctement prédites.
20 Le test est le log de vraisemblance suit : R=2(log L-log Lr) où log L est le log de vraisemblance de la régression et log Lr est le log de la vraisemblance évalué à partir de l’estimation restreinte où seule la constante est prise comme variable explicative.
21 Voir rapport de la DS sur le secteur informel non agricole 1999-2000.

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