La valeur fiscale des opérations de sale-and-leaseback

La valeur fiscale des opérations de sale-and-leaseback

iii. La valeur fiscale de l’opération

Nous nous attacherons à décrire la fiscalité sous l’angle de la création de valeur. Aussi nous aborderons les points principaux de la fiscalité française en ce qui concerne l’externalisation de l’immobilier. Ensuite, nous expliquerons comment l’externalisation de l’immobilier peut créer de la valeur sur le plan fiscal.

a. Le régime fiscal français en matière d’externalisation de l’immobilier

1. Déductibilité des loyers dans le régime de crédit-bail

Depuis le 1er Janvier 1996, le crédit-bail est aligné sur le droit commun. L’article 57 distingue 3 régimes :

  •  Le régime général qui autorise la déductibilité des loyers du crédit preneur. Lorsque l’option est levée, le crédit preneur doit toutefois réintégrer la différence entre l’amortissement effectué en tant que crédit preneur, et celui qu’il aurait effectué si il avait été propriétaire de ce bien ( réintégration du « sur amortissement »).
  •  Le régime de faveur applicable aux immeubles situés dans les zones d’aménagement du territoire, dans les territoires ruraux de développement prioritaire, et dans les zones de redynamisation urbaine et ne concerne que les PME/PMI de moins de 250 salariés. Comme pour le régime général, les loyers sont déductibles du résultat imposable. Toutefois, les crédits-preneurs n’ont pas à réintégrer les sur amortissement à la fin du crédit bail.
  •  Le régime des bureaux situés en Ile-de-France : les amortissements inclus dans les loyers de crédit-bail ne sont déductibles qu’à la hauteur de ceux que le preneur aurait pratiqués s’il avait été propriétaire de ce bien.

2. Droits de mutation et Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

En tant qu’opération financière, la cession de l’actif immobilier par le crédit-preneur est exonérée des droits de mutation. En revanche, la taxe de publicité foncière doit être acquittée au taux de 0,715%. A l’issue du contrat de bail, les droits de mutations (4,80%) doivent être payés sur la valeur résiduelle de fin de contrat. Cette valeur résiduelle est généralement très faible (1€ dans la plupart des cas). Ce qui rend habituellement les droits de mutation très faible.

Seule la partie du prix de cession du contrat intervenant à la cession de la promesse unilatérale de vente est assujettie à la TVA. En France, la TVA immobilière concerne principalement, les acquisitions de terrains à bâtir et les cessions d’immeubles neufs. Par conséquent, les opérations de crédit-bail sont peu concernées par la TVA.

3. Impôts sur la plus value

Depuis le 1er janvier 2005, la plus-value sur la cession d’un actif immobilier à des sociétés foncières réglementées est imposé au taux réduit de 19.63%. Pour lutter contre la raréfaction des crédits à long terme, le législateur a étendu en 2009 ce régime de faveur à toutes les opérations d’externalisation financées par crédit-bail immobilier.

Cette réduction d’impôt sur la plus-value est uniquement valable si l’acquéreur ou le crédit-preneur s’engage à conserver les actifs transférés pendant une durée minimale de cinq ans. L’apporteur ou le cédant doit également être une personne morale soumise à l’impôt sur les sociétés. En cas de non respect de son engagement, le crédit preneur est sanctionné par une amende de 25% de la valeur de cession de l’actif pour lequel l’engagement de conservation n’est pas respecté.

Impôts sur la plus value

Source : société d’avocats Franklin

b. Levier de création de valeur sur le plan fiscal

Alvavay, Rutherford, et Smith ont étudié l’impact de la réforme de 1986 du système fiscal aux Etats-Unis (Tax Reform Act) sur la manière dont une annonce de sale-and- leaseback influait le cours de bourse. Le Tax Reform Act a été la réforme fiscale la plus importante aux Etas-Unis depuis les années 1950s.

Elle a notamment modifié le profil d’amortissement des actifs détenus par une société soumise à l’impôt sur les sociétés. Les résultats de l’étude d’Alvavay, Rutherford, et Smith ont montré qu’il existait une hausse significative du cours de bourse avant la réforme de 1986. En revanche, selon leur analyse, cette hausse significative a disparue après la réforme de 1986.

En effet, en diminuant les avantages fiscaux du sale-and-leaseback, cette réforme, a, selon eux, réduit le principal avantage du sale-and-leaseback, qui consistait en une économie d’impôts.

1. L’économie d’impôts du crédit bailleur

Si l’amortissement de l’actif immobilier permet une réduction d’impôts plus importante pour le crédit-bailleur, l’externalisation peut créer de la valeur pour l’entreprise sur le plan fiscal. En effet, le crédit-bailleur pourra reverser une partie de l’impôt économisé au crédit preneur sous la forme de loyers moins élevés.

Pour s’en convaincre, prenons l’exemple d’une société X qui doit financer un projet. Elle a le choix entre 2 alternatives : soit souscrire un prêt bancaire classique, soit réaliser une opération de sale-and-leaseback auprès d’un crédit-bailleur Y.

Pour simplifier, nous nous plaçons dans le cas où les loyers sont entièrement déductibles du résultat imposable, nous ignorons les droits de mutation, et nous supposons que le bien est hors champs de la TVA. Nous supposons que le prix d’exercice de l’option d’achat est négligeable.

Nous faisons également l’hypothèse forte qu’il n’y a pas de plus- value réalisée sur le bien cédé : son prix de marché (100 000 €) est égal à [Prix de cession – dotations aux amortissements déjà passées]. Enfin, le taux d’imposition est de 35%.

Si le directeur financier externalise le bien via crédit-bail, l’entreprise X ne bénéficie plus de l’amortissement (nous supposons ici que le bâtiment est amorti linéairement sur 10 ans) et cela représente un coût d’opportunité. D’autre part, l’entreprise devra payer 16 200 € par an au crédit bailleur (déductibles à 100%). Nous obtenons ainsi le tableau suivant d’impact sur la trésorerie de l’entreprise, de l’opération (en millier d’euros).

Année012345678910
Montant de la cession100
Amortissement10101010101010101010
Coût d’opportunité-3.5-3.5-3.5-3.5-3.5-3.5-3.5-3.5-3.5-3.5
Paiement du loyer-16.2-16.2-16.2-16.2-16.2-16.2-16.2-16.2-16.2-16.2
Réduction d’impôts viales loyers5.75.75.75.75.75.75.75.75.75.7

Flux du financement 100.00 -14.03 -14.03 -14.03 -14.03 -14.03 -14.03 -14.03 -14.03 -14.03 -14.03

Pour calculer la VAN du financement en crédit bail, nous prendrons le taux d’intérêt que l’entreprise aurait payé si elle avait été financée par dette. Nous faisons l’hypothèse que ce taux s’élève à 10%. Cependant lorsqu’une entreprise emprunte, elle peut déduire de son résultat imposable les intérêts qu’elle paye. C’est pourquoi, nous actualisons les flux au taux d’intérêt après impôts. C’est-à-dire dans le cas présent : 10%*(1-35%) = 6.5%

Ainsi, nous avons, compte tenu du tableau précédent :

VAN (crédit bail) = + 100 – 14.03/(1.065)^1 – 14.03/(1.065)^2- …. – 14.03/(1.065)^10

= – 0.86 k€ ou – 860 €

En supposant que le taux d’imposition du crédit bailleur est identique à celui de l’entreprise X, le gain du crédit-bailleur est l’opposé de celui de l’entreprise X. Ici, le crédit- bailleur gagnerait 860 € en VAN avec le projet. Mais, comme la VAN de ce financement est négative pour l’entreprise X, mieux vaut que X contracte un prêt pour se financer…

Supposons à présent que l’entreprise X à un taux d’imposition de 0% (elle est en déficit chronique). Le financement en crédit bail a lors l’impact suivant sur sa trésorerie :

Année012345678910
Montant de la cession100
Amortissement10101010101010101010
Coût d’opportunité0000000000
Paiement du loyer-16.2-16.2-16.2-16.2-16.2-16.2-16.2-16.2-16.2-16.2
Réduction d’impôts viales loyers0.00.00.00.00.00.00.00.00.00.0

Flux du financement 100.00 -16.20 -16.20 -16.20 -16.20 -16.20 -16.20 -16.20 -16.20 -16.20 -16.20

Si l’on calcule la VAN du projet (le taux d’actualisation est cette fois-ci de 10%, car le taux d’imposition est nul), on a alors :

VAN (crédit bail) = + 100 – 16.2/1.1^1 – 16.2/1.1^2- …. – 14.03/1.1^10

= + 0.46 ou + 460 €

La VAN est alors positive pour l’entreprise X. L’opération d’externalisation est dans l’intérêt du crédit bailleur, mais aussi dans l’intérêt du crédit preneur (La VAN pour le crédit bailleur étant toujours de 860€) Cette nouvelle configuration est liée à la différence d’imposition du crédit bailleur et du crédit preneur.

Si le crédit bailleur est plus imposé que le crédit preneur, l’opération peut être dans l’intérêt des 2 parties. La création de valeur est alors partagée. Il est toutefois à noter que cette création de valeur pour l’entreprise se fait au détriment de l’Etat.

2. Acquisition de l’immobilier par une foncière dotée d’avantages fiscaux

Si l’entreprise verse des dividendes à ses actionnaires, les dividendes risquent d’être doublement imposés. Une première fois à travers l’impôt sur les sociétés payé par l’entreprise. Une seconde fois avec l’imposition des dividendes au niveau de l’actionnaire.

Cependant si les actifs immobiliers sont placés dans un véhicule transparent fiscalement, (du type SIIC, ou SCPI), les loyers pourront être déduits du résultat imposable de l’entreprise.

D’autre part, si le véhicule d’investissement est détenu directement par les actionnaires, les revenus immobiliers ne seront pas taxés au niveau de la foncière. Les revenus immobiliers de l’entreprise ne sont alors plus soumis qu’à un seul niveau d’imposition. D’où une économie fiscale importante.

La fiscalité de l’opération n’est pas créatrice de valeur en soi même si elle encourage les entreprises à se défaire de leurs actifs immobiliers au sein de véhicules adaptés. Elle a bien entendu contribué au succès des opérations de sale-and-leaseback qui sont largement dépendantes du timing de marché.

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