Émission de polluants atmosphériques et Véhicule électrique

II.2.5. Émission de polluants atmosphériques
Avec l’attention toute particulière que la société accorde au CO2, suite aux discours du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) et à la prise de conscience du problème du réchauffement climatique, certaines études font l’impasse d’une analyse des émissions de polluants ou lui accordent une moins grande importance. Pourtant il serait très préjudiciable que l’aveuglement à ne vouloir résoudre que le problème du changement climatique conduise à une augmentation substantielle de ces polluants. C’est d’ailleurs ce qui a pu être observé récemment avec la politique de réduction fiscale à l’achat de voiture, basée uniquement sur les émissions de CO2 et qui a favorisé la mise sur le marché d’un grand nombre de petites voitures au diesel bon marché. Or celles-ci ne sont pour la plupart pas équipées de filtre à particules ce qui les rendait donc, en termes de pollution atmosphérique, bien plus polluantes que les voitures à essence. Voyons ce qu’il en est pour les voitures électriques.
Il est aussi important de souligner d’entrée que la grande différence entre les gaz à effet de serre GES et les polluants atmosphériques est que si les premiers ont des conséquences globales, à savoir le changement du climat de la planète, les seconds agissent plus localement. Dès lors dans le cas de voiture électrique qui n’émet pas directement, la population potentiellement affectée par la pollution est limitée. En effet, la partie de l’électricité à base de combustibles fossiles est générée dans des centrales généralement implantées loin des zones densément peuplées. Ceci permet par exemple de limiter les effets de certaines émissions qui seraient divisées par quatre dans le cas des PM2,5 et du CO quand elles ont lieu dans des zones rurales plutôt que dans des villes [IEA, 2007 : 229]. Pour autant on perçoit directement l’injustice sociale qui consisterait à permettre aux citadins, décomplexés par l’exportation hors des villes des émissions de leurs voitures, de continuer à utiliser de grandes quantités d’énergie pour leurs déplacements en ville, alors que les effets en termes de pollution de l’air sont malgré tout subis autour des sites de génération de l’électricité. Certes une partie moins importante de la population serait touchée, ce qui constitue un progrès et donc une voie intéressante à suivre, mais il ne faudrait pas pour autant croire que tout impact sur la santé a disparu.
L’étude réalisée par le Laboratoire Fédéral Suisse de Science et Technologie des Matériaux [Notter, 2010] conclut que la voiture thermique fait augmenter entre 23,5% et 61,6% les impacts environnementaux totaux, selon les méthodes de calcul. Pour ce qui est des émissions de polluants atmosphériques, les voitures électriques émettent plus que les voitures thermiques : l’augmentation est de 21% pour les PM10, de 12,1% pour les oxydes d’azote (NOX) et de 25,3% pour l’oxyde de soufre (SO2). Le tableau général est donc contrasté puisque si les voitures électriques réduisent les émissions de GES, elles provoquent, d’après cette étude, une augmentation de la pollution atmosphérique. Il est cependant important de souligner que ces impacts de polluants sont dus à la génération de l’électricité pour leur plus grande partie. Or l’étude prend un mix énergétique européen moyen non précisé, si ce n’est qu’il contient plus de 50% d’énergie fossile. Ce n’est donc pas d’abord la voiture électrique en tant que telle qui est la source principale de cette pollution mais la génération d’électricité, et une diminution du recours à l’énergie fossile serait donc directement bénéfique en termes de réduction de polluants atmosphériques.
L’étude réalisée en Grande-Bretagne par le Département des Transports ne dit pas autre chose en mettant en garde contre une possible hausse des niveaux de NOX et de SOX, pouvant occasionner des conséquences négatives en termes d’acidification de l’air. Pour autant, les prévisions faites par les auteurs montrent que dès 2020 et plus encore en 2030, en considérant un recours plus large aux sources d’énergie renouvelables et au nucléaire pour la production d’électricité, le bilan des voitures électriques en termes d’acidification de l’air serait comparable à celui de véhicules thermiques [BERR, 2008 : 18].
En ce qui concerne spécifiquement le cas de la Belgique, étudié depuis longtemps par une équipe de chercheurs de la VUB sous la houlette de Joeri Van Mierlo, la situation serait différente. Une étude récente montre que l’acidification de l’air résultant de l’ensemble du cycle de vie d’une voiture électrique serait environ trois fois moindre que pour une voiture thermique. En ce qui concerne l’impact sur la santé humaine,67 celui d’une voiture électrique serait quatre fois moins important comparé à une voiture thermique [Boureima, 2009]. La singularité de la situation belge tient sans doute dans son mix énergétique de production d’électricité moins polluant que la moyenne européenne. Un basculement vers la voiture électrique permettrait donc une diminution des rejets de polluants. Pourtant cette règle ne pourrait pas s’appliquer à tous les pays : une analyse prenant en compte l’ensemble des impacts pour la santé humaine montre que si l’électricité des voitures électriques est produite par des centrales au charbon ou au pétrole, l’impact est environ deux fois plus important que dans le cas d’une voiture thermique [Van Mierlo, 2010].
Une autre étude, réalisée par l’ACEEE (Amercian Council for Energy-Efficient Economy), est à peine plus optimiste sur le potentiel de réduction de polluants atmosphériques. On peut y lire que les voitures électriques font diminuer les rejets de NOX par rapport au véhicule thermique, en moyenne de 23%. Par contre, les émissions de SOX sont augmentées lors de l’utilisation de voitures électriques de 157% en moyenne sur le territoire des Etats-Unis. Il existe cependant de grandes variations en fonction des états : dans les états du centre-est où l’électricité est fortement générée à partir de charbon, l’augmentation est de 354%. Au contraire, en Californie où le mix énergétique de l’électricité est nettement moins carboné, les rejets de SOX seraient diminués de 29%. C’est donc la nature du mix énergétique ainsi que le type de normes auxquelles répondent les installations de génération d’électricité qui va conditionner lourdement les rejets de SOX. Plus encore que ces distinctions, l’étude conclut que l’adoption à grande échelle de voitures électriques aurait des bénéfices en termes de santé pour les populations, mais que c’est principalement grâce au déplacement des émissions vers les zones rurales [ACEEE, 2006].
Il y a en fait un second avantage direct pour la qualité de l’air à voir les pots d’échappement supprimés, même si c’est pour être remplacés par les cheminées de centrales : le moment de la journée auquel les polluants sont émis dans l’atmosphère. Si les batteries des voitures électriques sont rechargées la nuit, l’électricité est produite alors également la nuit. Or la formation d’ozone troposphérique due aux rejets de centrales électriques est nettement moins importante la nuit. La raison en est l’absence de lumière du soleil qui durant la journée favorise la formation d’ozone de basse altitude [Zimmer, 2009 : 127]. Pour autant, il semble y avoir un certain consensus chez les auteurs qui estiment, en dehors du cas particulier de la Belgique, que dans le contexte de production d’électricité actuel des pays étudiés (moyenne européenne, États-Unis et Royaume- Uni), en termes de pollution atmosphérique, on assisterait plutôt à une aggravation des émissions avec l’adoption de VE. Malgré tout, le déplacement de cette pollution, vers des zones moins densément peuplées, ferait plus que compenser son augmentation et le résultat final serait bénéfique pour la santé publique.
Rappelons aussi que d’une part, comme le montre les émissions de certains pays,68 l’adoption massive de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables peut largement améliorer la situation alors qu’il n’y a pas pour les voitures thermiques de perspectives d’amélioration dans des proportions équivalentes. D’autre part, il est indéniablement plus facile de s’occuper d’une centrale que des centaines de millions de pots d’échappement : l’émission stationnaire est plus aisée à contrôler et à rendre moins polluante que les émissions mobiles [Kendall, 2008 : 89]. Si une centrale est optimisée ou fermée pour être remplacée par une autre moins polluante, les effets sont immédiats pour toute la flotte de voitures électriques rechargée par celle-ci. Pour obtenir le même résultat, il faut remplacer chacune des voitures thermiques, ce qui prend environ une quinzaine d’années, vu l’inertie du parc automobile.
Lire le mémoire complet ==> (La voiture électrique : révolution ou fausse bonne idée ?)
Master en Sciences et Gestion de l’Environnement – Université Libre de Bruxelles
Institut de Gestion de l’Environnement et d’Aménagement du Territoire
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67 Ce paramètre a été évalué dans le cadre de cette étude selon la méthode Impact 2002+ développée par l’Université du Michigan. Voir : http://www.sph.umich.edu/riskcenter/jolliet/impact2002+.htm
 

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La voiture électrique : révolution ou fausse bonne idée ?
Université 🏫: Université Libre de Bruxelles - Institut de Gestion de l’Environnement et d’Aménagement du Territoire - Mémoire de Master
Auteur·trice·s 🎓:

SURY Damien
Année de soutenance 📅:
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