Projet d’entreprise, vision instrumentale de la culture

Projet d’entreprise, vision instrumentale de la culture

2.6.3 Le projet d’entreprise, vision instrumentale de la culture de l’organisation

Depuis une dizaine d’années, l’entreprise cherche à se doter d’une image différente (Nifle, 1986). L’excellence technique, la performance économique, la maîtrise des métiers s’effacent derrière une entreprise qui se veut citoyenne et qui se confronte à l’exclusion, aux problèmes d’environnement, aux solidarités et au développement local et durable.

En provenance d’outre atlantique, apparaissent différents thèmes faisant appel à une nouvelle approche, appelée projet d’entreprise. Le phénomène de l’entreprise, son histoire, ses valeurs et sa culture sont auscultés. Désormais, c’est la logique de l’honneur (d’Iribane, 1989) ou encore l’âme de l’entreprise (Etchegoyen, 1990) qui remplacent les notions d’économie, de technique, de commerce et d’industrie.

Des dirigeants se retrouvent dans des groupes de réflexion, comme celui de Ganagobie animé par un père Bénédictin. Les clubs de réflexion sur le sens, les séminaires philosophiques, les retraites spirituelles complètent le tableau d’une entreprise à laquelle rien de ce qui est humain n’est étranger.

Cependant, les aspects financiers rendent plus importants la bourse que l’atelier ou le bureau. Ces réalités remettent en question le sens même du jeu économique et la place de l’entreprise. Pris entre les contraintes économiques et les contraintes humaines, les dirigeants s’interrogent sur les rôles, les motivations et les pratiques managériales. De plus, les ordinateurs, les machines, les méthodologies et les instruments technologiques en rapport avec les sciences du management suréquipent les hommes. Depuis, bien des professionnels deviennent de simples opérateurs techniques et voient leurs métiers disparaître, disqualifiés ou remis en question. L’entreprise contemporaine se retrouve confrontée à une véritable crise d’identité de ses travailleurs déqualifiés.

Cette crise se répercute sur ses produits alors que le management cherche à les distinguer de la concurrence. Ce contexte entraîne l’apparition de nouveaux modes de communication des organisations, centrés sur leur culture d’entreprise. En raison des exigences du marché et de l’environnement, l’entreprise évolue, passant d’une communication de type linéaire descendante à une approche plus globale et participative.

Cette conjoncture engage les décideurs à valoriser au sein de leur personnel un climat et un nouveau mode de communication. En fait, pour chaque entreprise, la résolution des problèmes et le fondement de la stratégie se posent autrement :

  •  « Comment la communication se construit dans l’entreprise et selon quel processus pertinent, cohérent et performant en considérant toutes ses spécificités » ?
  •  « Comment se communique le sens dans l’entreprise au travers des structures et des fonctions et comment s’élabore leur unité avec la diversité des acteurs » ?

Ces questions entraînent une exploration du concept de culture d’entreprise.

Le fonctionnement de l’entreprise est sous la dépendance de la dynamique des individus et de la dynamique des rapports de ces individus. L’organisation construit ses rapports en leur communiquant du sens.

Dès lors, en plus de sa structure organisationnelle, l’entreprise se dote d’un sens social. Son identité réelle, et non seulement celle, voulue par ses dirigeants, matérialise une culture spécifique. Celle-ci, en raison des influences issues du contexte social et économique, se modèle face à la conjoncture. La culture d’entreprise « devrait conduire chaque salarié à avoir le sentiment que son succès personnel passe par celui de son établissement » (Thévenet, 1980).

La culture d’entreprise s’appréhende comme un système d’interprétation du passé qui oriente l’action quotidienne. Chaque salarié prend à son niveau les initiatives nécessaires à la bonne exécution de son travail et à la bonne adaptation de son entreprise à l’environnement. Cette culture commune, véritable identité de l’entreprise, sert à la fois de référence et de guide.

Elle permet d’orienter l’action en fonction du projet collectif. Elle constitue ainsi pour l’organisation une ressource pour aller de l’avant. Mais, dans les organisations, la coopération ne se décrète pas, elle existe quand elle est ressentie par tous comme une nécessité. L’émergence des revendications identitaires font référence aux valeurs humaines et à l’engagement des responsabilités.

Elle entraîne à découvrir que communiquer, c’est donner le sens. C’est une des raisons pour lesquelles, les dirigeants d’entreprise cherchent à développer une vision de l’entreprise qui s’y prête, en l’occurrence une vision identitaire et culturelle.

La notion d’identité consiste à privilégier le caractère global et inconscient de l’organisation. La configuration unique que prend au cours de l’histoire de cette organisation, l’ensemble des systèmes responsable de sa conduite, c’est-à-dire dans les mythes, les rites, les tabous (Schwebig , 1988).

La culture est présente essentiellement dans l’ensemble des modes de vie, les comportements, le nom de l’entreprise, les logos, le style de l’architecture, la disposition des locaux, dans sa communication symbolique et sémiologique.

Mais comment les décideurs guident l’action avec cette forte dimension irrationnelle ? Le management cherche toujours à en maîtriser le sens. Pour cela lui faut-il encore redéfinir cette notion de sens si cruciale et se doter des moyens de pensée et d’action pour développer un nouveau niveau de compréhension des organisations humaines. Or construire l’identité en travaillant sur le projet de l’organisation semble offrir une véritable réponse relativement complète et cohérente.

Ce type de construction identitaire permet de revisiter le concept de culture d’entreprise et d’échafauder une conception et des méthodes pour la mettre en évidence. Pour répondre aux questions de sens de l’entreprise, le management travaille sur un nouveau niveau de communication des organisations, plus profond, plus global et plus intégrateur. Les nouveaux modèles de management tendent à dénoncer l’archaïsme du taylorisme pour légitimer leur nouvelle vision.

Il n’est pas inutile de repérer la façon dont se présentent les questions de sens dans les différents aspects du management des entreprises (Nifle, 1992). La vocation de chaque entreprise, au-delà de certaines déterminations conjoncturelles ou stratégiques est, au fond, une question de sens. Quel est le sens propre qui se traduit en termes de finalité, de raison d’être, d’esprit ou de valeurs originales, mais aussi de motivation que l’on retrouve dans le projet d’entreprise.

Le sens doit rassembler les hommes dans une même logique, une même dynamique. Le consensus, cher au management participatif est aussi une affaire de sens et d’unité de sens. Il suppose l’établissement d’une dynamique de cohésion de l’entreprise et de partage d’un ensemble de valeurs communes. Ces problèmes de consensus apparaissent dès le recrutement, où le partage d’un sens, d’un esprit, d’une finalité devient le critère essentiel qui permettra de trouver ensuite les concordances efficaces.

Comment font les décideurs pour que la conjonction des intérêts et des motivations concoure dans le même sens ? Le rôle de l’encadrement mais aussi celui de l’organisation réclament de pouvoir comprendre et maîtriser le sens. Cette réflexion dépasse la rationalité. Le marché mondialisé impose aux organisations de s’engager dans des démarches qualité.

Si cette démarche n’est pas réduite à l’application d’un standard ou d’une procédure, ni au caractère utilitaire du produit, elle ouvre la question des valeurs exprimées par l’entreprise, par ses hommes et par ses valeurs attendues et reconnues par les marchés et les clients.

Ces valeurs humaines, même dans leur expression fonctionnelle, technique et matérielle, se transforment en un vecteur de sens (Perrot, 1992). La qualification de l’entreprise, sa valeur originale sont liée à son sens. C’est ce qui fait aussi l’originalité et la valeur de son offre lorsqu’elle va à la rencontre d’un marché pour lequel cette offre est significative.

Ce lien entre entreprise, produit et marché est au fond un lien de sens. Toute la cohérence du marketing y est liée et les problèmes de communication et de pratiques commerciales médiatisent ce sens. D’une façon générale, les principaux problèmes qui se posent en communication des organisations sont : Comment intégrer la référence au sens humain de l’entreprise et la rationalité technico-économique et organisationnelle ?

Cette question de sens entraîne les décideurs dans une autre dimension, plus profonde et plus essentielle. Ils recourent à de nouvelles conceptions, de nouveaux repères et de nouveaux moyens pour leur en permettent la maîtrise car l’intuition ne suffit plus. L’enjeu vise une nouvelle dimension de maîtrise face au constat que les organisations cherchent à ignorer les bouleversements que réclament une évolution face aux inquiétudes conjoncturelles.

L’inertie bureaucratique et la pesanteur des habitudes sont-t-elles trop fortes pour évoluer avant de d’affronter les difficultés et les incertitudes de cette nouvelle époque ? Chaque crise entraîne toujours des décisions et l’apparition de nouveaux modes de communication témoigne que les entreprises s’adaptent à leur contexte. L’homme est toujours plus réactif face à la contrainte. La communication des organisations évolue vers une tendance à l’humanisation des entreprises.

Lorsque l’on s’intéresse à la culture d’entreprise, deux approches cohabitent. La culture d’entreprise est actuellement étudiée sous l’angle des rapports humains et des phénomènes de régulations sociales, mais sa première approche s’effectue sous l’angle du mode de fonctionnement d’un groupe que l’on cherche à rationaliser en lui imposant des règles.

L’origine de cette approche débute en 1946 et pointe l’impossibilité d’appréhender l’ensemble des données d’une situation, de posséder la connaissance de toutes les conséquences d’une action et de tous les choix possibles (Simon, 1957). L’option retenue ne peut pas être la meilleure, mais la plus satisfaisante compte tenu des circonstances de choix.

C’est le processus de choix qui semble expliquer la dimension culturelle des entreprises qui se déroule dans un espace organisationnel à l’intérieur duquel se déroule un jeu complexe d’acteurs sociaux (Crozier, 1991).

S’enrichissant de ces apports et réagissant aux contraintes de la crise économique et sociale naissante en France, le concept de projet d’entreprise se développe. Il se présente sous un acte volontariste et collectif qui affirme les spécificités de l’entreprise. Il se matérialise par une charte qui se veut un guide d’actions de l’organisation incluant la culture de l’entreprise.

Le projet d’entreprise développe une visée fédérative, intégrative et identificatoire. Si ce concept trouve une bonne écoute en France c’est parce qu’il concilie à la fois le rationalisme nécessaire aux décideurs et une certaine défense de l’individualisme, cher aux acteurs des organisations, sentiment en partie lié à notre culture nationale. Cependant, le passage au second plan de la satisfaction des clients témoigne de la persistance d’un problème.

Si la qualité du travail s’améliore effectivement par la dynamique interne, elle ne fait pas face à un environnement de concurrence qui se mondialise. Finalement, la culture d’entreprise se réduit pas à un ensemble d’outils fonctionnels destinés à la communication managériale mais se centre sur l’angle des rapports humains et des phénomènes de régulations sociales.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Le tourisme sportif en quête d’identité
Université 🏫: Université de Nice Sophia-Antipolis - Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines
Auteur·trice·s 🎓:
Auteur : Bernard Massiera - Directeur de recherches : Professeur Paul Rasse

Auteur : Bernard Massiera - Directeur de recherches : Professeur Paul Rasse
Année de soutenance 📅: Thèse de doctorat de 3° cycle - Année 2025
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