Internet et régression (The Internet Regression)

Internet et régression (The Internet Regression)

Chapitre 4

Internet et régression

Dans son article «The Internet Regression », Norman N. Holland (1995) explique que nous avons tendance à régresser sur Internet, ce qui nous intéresse fortement vu le sujet de ce mémoire.

Nous allons reprendre certaines informations de son article qui nous paraissent intéressantes et laisser de côté de nombreuses autres qui traitent de points déjà abordés par Suler.

Il justifie cette affirmation en se basant sur 3 conséquences de cette régression qui sont facilement observables : Les « flame wars » (guerres d’insultes et de propos négatifs qu’on retrouve un peu partout sur Internet, les comportements sexuels à la limite du harcèlement (présents dans les jeux, les sites de rencontres ou encore les forums de discussions où se trouvent côte à côte hommes et femmes) et la générosité hors du commun qu’on peut parfois observer sur Internet.

Pour Holland, ces conséquences représentent les côtés positifs et négatifs d’Internet. On trouvera plus de générosité et d’ouverture, mais également plus d’agressivité et de demandes sexuelles.

Le manque d’inhibition que nous avons étudié en détail précédemment explique en grande partie ce phénomène. L’impulsivité semble être plus importante sur Internet, ce qui favorise, en combinaison avec le manque d’inhibition, les passages à l’acte. Holland nous dit aussi que l’homme a tendance à considérer l’ordinateur comme une extension de lui-même, au même titre que sa voiture. Selon lui, l’ordinateur est une sorte d’objet phallique pour les hommes. Ceux-ci s’identifieraient à leur machine, comme à leur voiture. Dans cette optique, les insultes gestuelles adressées aux autres conducteurs sur la route sont similaires au « flame wars » sur Internet.

Pour les femmes par contre, Holland voit les choses différemment. Pour lui, les femmes utilisent l’ordinateur comme un outil et rien de plus. Elles auraient comme seule attente le bon fonctionnement de celui-ci vis-à-vis des tâches de bureau ou de divertissement. Il est possible qu’une tendance existe, mais ces affirmations nous ont paru réductrices et stéréotypées.

Holland précise également qu’on peut observer des angoisses en lien avec cet « ordinateur phallique » : va-t-il exploser si j’appuie sur le mauvais bouton ? Va-t-il devenir incontrôlable ? Holland remarque que le potentiel d’addiction d’Internet est important.

L’ordinateur est un partenaire idéal qui nous renvoie notre propre image. Les images qui le remplissent, les musiques qu’il joue et les programmes qu’il nous offre sont ceux que nous avons choisis en premier lieu.

Holland nous explique que de nombreuses personnes donnent un surnom à leur voiture, leur bateau, leur moto, et aussi leur ordinateur. Selon Scheibe and Erwin (1980), les surnoms choisis par les hommes sont des noms féminins dans la majorité des cas. Pour les surnoms donnés aux ordinateurs par contre, le choix se porte en général sur un nom masculin.

Si l’ordinateur est en général perçu comme masculin, on peut supposer que l’investissement envers celui-ci sera différent suivant le sexe. Certains utilisateurs, selon Holland, investiraient l’ordinateur d’un rôle parental. L’ordinateur ne juge pas, si l’utilisateur se trompe, il attend patiemment qu’il corrige son erreur avant de le récompenser.

Il cite Weizenbaum (1976, 6-7, 188-191), qui dit, à propos de son programme ELIZA (le programme qui simule un thérapeute rogérien par sa manière de répondre en reformulant), que les utilisateurs avaient tendance à voir l’ordinateur et le programme d’une manière anthropomorphique et à s’investir fortement.

Il nous dit également que, selon de nombreux chercheurs en psychologie, les utilisateurs perçoivent de manière intuitive l’ordinateur comme une autre personne, et cela dans de nombreux cas (Forman and Pufall 1988, 247; Frude 1983).

En résumé, Holland nous explique que, lors des communications par Internet, l’humain devient moins humain et l’ordinateur devient plus humain. Les sentiments envers l’ordinateur se transmettent en partie vers les autres utilisateurs.

Les insultes sont adressées aux autres comme si ils étaient des machines insensibles et les désirs sexuels sont exprimés sans peur du rejet. L’utilisateur se sent ouvert et généreux envers l’ordinateur et les autres utilisateurs qu’il contacte à travers la machine, car la machine est ouverte et généreuse envers lui. Il en résulte une confusion entre l’utilisateur et son ordinateur ainsi qu’un phénomène de régression.

Ce que Holland appelle donc régression, c’est l’impression de pouvoir communiquer à la perfection avec l’ordinateur, d’être compris à 100%, le sentiment de fusion, d’absolu, qui vient avec cela ainsi que les émotions très manichéennes qui sont exprimées sans retenue.

Il est à noter que l’article date de 1996 et qu’à la fin de celui-ci, Holland remarque à juste titre qu’Internet est en constante évolution et que ce qui s’appliquait à l’époque ne s’appliquera pas forcément à l’Internet de demain.

Aujourd’hui, 12 ans plus tard, nous pouvons remarquer qu’il n’y a pas eu de changements fondamentaux, mais qu’ils arriveront dans un avenir très proche (lorsque le chat textuel disparaitra au profit des vidéoconférences de haute qualité comme celles que nous pouvons voir dans les films de science-fiction).

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