Amélioration de l’image de l’entreprise : le marché du CO2

Amélioration de l’image de l’entreprise : le marché du CO2

2. Amélioration de l’image de l’entreprise dans sa dimension sociétale

2.1 Sous la pression institutionnelle grandissante

La montée en puissance des pressions institutionnelles pour la réduction des émissions de GES représente aujourd’hui un nouvel enjeu pour les entreprises.

En effet, les organisations qui adoptent une réponse défensive ou passive par rapport à Kyoto, en invoquant notamment des arguments économiques, sont de plus en plus exposées à des critiques et à des remises en cause qui peuvent compromettre leur légitimité, voire leur pérennité.

Ces positions semblent aujourd’hui à contre- courant, tant des attentes de la société (sous le pression des ONG) que des positions adoptées par un nombre croissant de gouvernements et d’organisations. Ainsi, en Europe la mise en place des quotas d’émissions et du marché des permis échangeables qui l’accompagne affecte dès à présent de nombreuses entreprises, y compris étrangères à travers des filiales implantées dans les pays concernés par ces mesures.

De plus, les politiques environnementales des pays peuvent changer rapidement, et un pays qui n’a pas ratifié le Protocole de Kyoto peut décider de le faire, comme ce fût le cas pour la Russie en novembre 2004.

Par ailleurs, un nombre croissant d’experts estime que le Protocole de Kyoto ne représente qu’un petit pas dans la bonne direction et qu’il serait nécessaire d’aller plus loin pour limiter les conséquences du réchauffement climatique.

Ainsi, il est donc raisonnable d’anticiper une augmentation croissante des pressions environnementales à l’encontre des grands émetteurs de CO2 notamment, rendant les réponses défensives et passives de moins en moins légitimes.

Conscientes de tous ces changements, certaines grandes entreprises se sont officiellement retirées des coalitions anti-Kyoto et ont décidé de soutenir le Protocole en prenant des engagements sérieux dans ce domaine alors même que la première phase d’engagement (2008-2012) de celui-ci n’est pas encore arrivée.

C’est le cas pour des entreprises comme Ford ou encore General Motors, qui ont récemment quitté la Global Coalition, qui milite contre l’imposition des limites aux émissions de GES.

Le même changement a été fait plusieurs années auparavant par Shell et BP qui faisaient autrefois partie de cette coalition avant de soutenir le Protocole et de prendre des mesures en conséquence. Ainsi, le fait même de se retirer de ces coalitions et surtout de le faire savoir aux différentes parties prenantes concernées, a permis à ces entreprise d’améliorer leur image de marque.

2.2 Grâce au rôle de la communication des entreprises

Un autre levier de l’amélioration de l’image de l’entreprise dans sa dimension sociétale et environnementale, trouve son origine cette fois-ci au sein même de l’entreprise. En effet, les entreprises ont depuis longtemps compris le rôle prépondérant de la communication financière dans l’amélioration de leur image de marque.

Aujourd’hui, par différents supports (communiqués de presse, sites Internet, conférences, partenariats), mais aussi plus récemment avec le respect des contraintes Kyoto depuis l’année dernière, les entreprises font savoir à leurs différents publics (investisseurs institutionnels, actionnaires, grand public) les efforts qu’elles fournissent pour respecter l’environnement, économiser les énergies…car elles sont conscientes qu’il est plus facile de conserver une image positive plutôt que d’essayer de la redresser quand un événement négatif (catastrophe écologique par exemple) a lieu.

Par ailleurs, le contexte réglementaire et sociétal actuel favorise de plus en plus la communication en matière de développement durable. Par exemple, la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques (NRE) oblige environ 700 entreprises françaises cotées en bourse à rendre compte des impacts sociaux et environnementaux de leurs activités dans les rapports de gestion à destination des actionnaires.

De même la Directive européenne 2003/54/CE fixant les règles communes du marché intérieur de l’électricité contraint les producteurs d’électricité à publier le niveau des émissions annuelles de CO2. De manière générale, la demande d’une plus grande transparence sociale et environnementale progresse.

Du coup, tous les groupes industriels communiquent sur le thème du CO2 (volume d’émission, mesures prises pour les réduire, etc.). De manière schématique, on peut cependant distinguer trois grandes stratégies de communication relatives au thème du CO2 :

♦ une stratégie de communication discrète.

Des groupes comme Total publient peu d’informations spécifiques sur le sujet si ce n’est dans le rapport annuel ou la brochure sur le développement durable ;

♦ la communication au service du lobbying.

Arcelor dans sa lutte contre le système européen actuel met en avant dans sa communication les limites du marché (développer cet aspect pour la soutenance), il espère ainsi influencer les négociations sur son avenir;

♦ la problématique CO2, comme axe important de la communication du groupe.

Lafarge, par exemple par la médiatisation de son projet MDP au Maroc, le premier d’un groupe français, et par son partenariat avec WWF (l’Organisation mondiale pour la protection de l’environnement), souhaite améliorer son image de cimentier particulièrement émetteur de CO2.

Sur ce dernier point, le groupe français a été le premier groupe français à avoir validé un projet MDP. Le 23 septembre 2005, un parc éolien destiné à alimenter en électricité, à hauteur de 50%, une nouvelle cimenterie installée au Maroc (précisément à Tétouan, au nord du Maroc) a été validé.

L’objectif du projet était double. Dès l’origine en 1999, il s’agissait de faire face aux exigences de Kyoto, mais surtout, il était destiné à améliorer l’image du groupe en matière de lutte contre le changement climatique.

En plus des gains en termes de communication (l’opération ayant été largement médiatisée), le groupe teste les mécanismes proposés dans le cadre de l’application du Protocole de Kyoto, notamment pour bénéficier d’un retour d’expérience dans ce domaine. Dans un contexte général très prudent, le groupe apparaît comme l’un des plus dynamiques.

3. Augmentation des actifs incorporels

3.1 Définition juridique du quota de CO2

Tout système d’échange repose sur un cadre juridique bien défini. L’ordonnance n°2004-330 du 15 avril 2004 qualifie le quota d’unité de compte représentative de l’émission de l’équivalent d’une tonne de CO2.

En droit français, le quota d’émission est une immobilisation incorporelle ou un bien meuble corporel. Le quota n’est donc ni un droit ni une autorisation administrative à polluer comme nous l’avons déjà souligner en introduction.

Par ailleurs, le quota n’est pas qualifié d’instrument financier au sens de l’article L211-1 du Code monétaire financier, mais peut servir de sous-jacent d’instruments financiers à terme. En d’autres termes, le quota peut être considéré comme une marchandise lorsqu’il est négocié au comptant, mais devient un instrument financier lors d’une opération de dérivé sur quotas (contrats à terme, options, swap, etc.).

Le quota est donc un nouvel actif environnemental hybride reflétant aussi la nature équivoque du ¨Protocole de Kyoto, entre système financier et accord environnemental.

3.2 Traitement comptable des quotas d’émission

Le traitement comptable des quotas d’émissions de gaz à effet de serre est décrit dans l’avis n°2004-C adopté par le Comité d’urgence du conseil national de la comptabilité le 23 mars 2004.

Cet avis établit une distinction entre les entreprises industrielles ayant reçu les quotas à titre gratuit et ayant de fait une obligation de conformité, et les entreprises de négoce exerçant des activités de négoce pour leur compte propre ou pour des tiers.

En effet, en fonction des entreprises concernées, le traitement comptable des quotas est différencié.

3.2.1 Les entreprises industrielles

Pour celles-ci, les quotas sont des immobilisations incorporelles. Par conséquent, le quota ne peut être considéré ni comme un stock, ni comme un instrument financier.

L’évaluation de la valeur des quotas se fait lors de la délivrance par l’autorité compétente sur la base de la valeur du marché, à savoir le cours de bourse. Donc actuellement, un quota de CO2 vaut en moyenne 15 euros (puisque le cours de bourse moyen des six derniers mois est de 15 €).

Au passif du bilan des entreprises, la contrepartie des quotas peut être comptabilisée soit en tant que subvention, soit en tant que produit constaté d’avance.

En effet, compte tenu que les entreprises ont reçu gratuitement les quotas en contrepartie d’une obligation de les restituer plus tard en fonction de leurs émissions, on peut estimer qu’il s’agit là d’une subvention qui sera reprise à la fin de la période.

Toutefois, pour des raisons fiscales, il est également possible d’utiliser le compte « produits constatés d’avance » car le produit vient de l’octroi gratuit des quotas et il est constitué d’avance pour une restitution ultérieure.

3.2.2 Les entreprises de négoce

En revanche, pour les entreprises de négoce, les quotas ne sont pas considérés comme des immobilisations, mais ils sont comptabilisés comme un stock ou bien comme des titres. De fait, pour ces entreprises également, l’allocation des quotas d’émission de CO2 et le système d’échange des quotas de CO2 dans son ensemble leur sont bénéfiques.

Ainsi, ce que l’on peut dire, c’est que dans tous les cas, les quotas d’émissions de CO2 contribuent à l’augmentation des actifs (incorporels) de l’entreprise, engendrant par la même occasion un accroissement de la valeur de celle-ci, d’où un accroissement de le performance économique.

Enfin, en plus de l’amélioration de l’efficacité énergétique des entreprises, de celle de leur image, de l’augmentation de leur valeur comptable et financière, le système d’échange des quotas de CO2 contribue à l’accroissement de la performance économique des entreprises en ce qu’il constitue également une nouvelle opportunité de développement stratégique.

3.3 Une nouvelle source de développement stratégique

Le système d’échange des quotas d’émissions de CO2 peut également représenter une opportunité pour les entreprises en ce qu’il renferme des potentialités de diversification technologique intéressantes.

En effet, compte tenu du peu de techniques existantes, les entreprises peuvent investir dans la recherche de nouvelles technologies plus efficaces pour lutter contre les émissions de CO2. A terme, elles bénéficieront d’avancée technologique certaine sur leurs concurrents, dégageront des droits de propriété dont la cession pourra leur rapporter gros.

3.3.1 L’exemple de l’entreprise CO2 Solution

L’entreprise CO2 Solution (anciennement appelée EnviroBio Inc.), est une entreprise canadienne novatrice issue d’un projet de recherche universitaire.

En effet, en 1999, une petite équipe de chercheurs de l’Universitaire de Laval au Québec, a mis en place un procédé unique au monde, qui transforme les gaz à effet de serre en bicarbonate (HCO3, une substance inoffensive pour l’environnement) grâce à un bioréacteur.

Comme l’explique l’ancien président et chef de la direction de l’entreprise, Ghislain Théberge : « le cœur du concept repose sur l’exploitation de la capacité d’une enzyme à catalyser en milieu aqueux la transformation du CO2..

L’eau capte déjà naturellement le CO2.. L’enzyme vient simplement accélérer l’effet capteur de l’eau car l’enzyme en question permet d’accélérer la réaction chimique par un facteur d’un million de fois ».

Cette innovation technologique majeure a un rendement nettement supérieur à celui des autres techniques existantes. Ceci tient du fait de l’utilisation du bioréacteur qui en plus, s’applique à différents secteurs industriels hautement polluants, telles que les installations de production d’électricité, de ciment ou encore les usines au charbon.

En effet, comme l’explique Jean Ruel, consultant en génie mécanique et biomédical : « le produit sera en quelque sorte une boîte-filtre qui servira à récupérer et à éliminer le gaz carbonique (CO2) en milieu fermé.

Sous-marins, avions, navettes spatiales, tous les bâtiments fermés sont à la portée de notre technologie. Mais nous visons particulièrement les cimenteries, les usines de production d’électricité au charbon, très gros générateurs de gaz à effet de serre… On pourrait théoriquement aussi toucher les émanations de gaz carbonique des automobiles, mais ce n’est pas dans notre stratégie actuellement ».

Cette technologie de lutte contre les gaz à effet de serre (technique de bio-récupération) dépasse la simple séquestration des GES et devient dès lors stratégique (bien évidemment, CO2 Solution a pris le soin de déposer un brevet pour cette grande innovation et détient tous les droits de propriété qu’elle pourra céder ou utiliser pour en tirer d’importantes ressources.).

D’autant que jusqu’ici, les technologies connues en matière de séquestration du CO2 tournent autour de la séquestration biologique (qui consiste à utiliser essentiellement les forêts et les sols agricoles pour absorber les émissions de CO2) ; de la séquestration géologique (qui elle, est une technique industrielle de capture des émissions de CO2 et qui consiste à séparer le gaz carbonique à la sortie des cheminées des installations industrielles sidérurgiques ou de production d’électricité par exemple, de le liquéfier puis de le transporter dans des pipelines en direction de sites géologiques sous terre pour le stockage) ; ou encore de la technique prônée au Japon qui est celle de la transformation du CO2 par les algues.

Mais, on peut dire qu’aucune de ces techniques n’est aussi sûre que celle de CO2 Solution. Pour ne citer que la technique de séquestration géologique, un tremblement de terre pourrait brutalement libérer tout le CO2 emmagasiné dans un ancien puits de gaz naturel.

De plus, la technologie de CO2 Solution est doublement avantageuse car elle ne fait pas que séquestrer les émissions de CO2. En plus de cela, elle recycle les émissions de gaz carbonique en les transformant en produits bicarbonates inoffensifs, qui de surcroît seront commercialisables à leur tour, d’où d’importantes gains en perspective.

Alors qu’avec la naissance de la finance carbone les droits d’émissions pour le CO2 tendent à représenter de véritables fortunes grâce au système des permis échangeables, CO2 Solution est pus que bien positionnée pour proposer son savoir-faire aux entreprises afin de leur installer son bioréacteur en contrepartie du contrôle de leurs quotas de CO2 alloués.

Chacun y trouvera son compte : les entreprises pourront réduire leurs émissions de CO2 plus efficacement afin d’atteindre leurs objectifs, et ce à moindre coût car elles n’auront pas à investir ; et CO2 Solution pourra empocher d’importantes sommes d’argent, et ce d’autant plus que l’entreprise sera la seule au monde à proposer cette technologie, du moins en attendant que de nouvelles innovations plus efficaces voient le jour.

Aujourd’hui, CO2 Solution entreprend sa phase de développement stratégique, car elle se lance dans la commercialisation de sa technologie de bio-récupération (séquestration, transformation et recyclage du CO2).

En effet, selon les dirigeants de la société : « CO2 Solution ne sera plus une entreprise de recherche et développement qui commercialise ses technologies, mais une entreprise de commercialisation qui fait de la recherche et développement ». Tout est dit, l’entreprise est entrain de prendre un tournant stratégique car elle compte bien devenir très active dans le domaine du courtage de quotas de CO2.

Pour cela, elle renforce ses équipes et adapte son management, à l’image du changement opéré récemment au sein de la direction de l’entreprise. En effet, le PDG historique M. Ghislain Théberge a été remplacé par M. Jacques Raymond, qui occupe désormais la place de président et chef de la direction de CO2 Solution.

L’entreprise mobilise ainsi toutes les ressources (managériales, scientifiques, technologiques, financières, humines….) qu’elle a en sa possession dans le but de profiter pleinement du système des quotas dès la première phase d’engagement du Protocole de Kyoto.

Dans son élan, CO2 Solution est entrain d’établir des partenariats très importants, notamment en Europe car elle désire réellement être présente sur le continent au vu de l’avancée que l’Europe a sur le reste du monde dans le fonctionnement du système des permis échangeables.

En effet, elle vient de signer une entente en vue réaliser des projets de partenariats sur l’utilisation de sa technologie de réduction des émissions de GES en Suède, en Norvège et en Finlande.

Ainsi, l’aspect innovation technologique qui permet le développement de nouvelles technologies est non négligeable car il peut représenter dans le futur une source importante de revenus pour les entreprises qui ont su investir ou trouver un partenariat intéressant dans ce domaine.

Une nouvelle carte est alors à jouer : celle de la diversification technologique, voire stratégique, car avoir un « comportement Kyoto » peut être plus que jamais rentable, d’autant plus que les fonds d’investissement carbone notamment, cherchent une diversification technologique (et géographique) pour des raisons de gestion de risques.

Ceci nous amène directement à la deuxième section de ce mémoire qui traite de l’amélioration de la performance financière.

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