Travail des enfants : esquisse de la problématique

Travail des enfants : esquisse de la problématique

Première partie

Mise en contexte

« Ne fait pas cadeau de poisson à ton prochain,

mais apprend lui à pêcher ».

Confucius

Premier chapitre

Les enfants au travail : esquisse de la problématique

Le travail des enfants demeure un phénomène répandu dans le monde entier. Pour nombre d’enfants, le travail est une véritable exploitation, une épreuve difficile, et une source de souffrance. Il constitue aussi une violation majeure des droits de l’homme. Il porte souvent préjudice à l’instruction, à la santé et au développement de l’enfant, et se solde par un handicap social.

Pourtant, le travail peut constituer pour les enfants un élément important de leur croissance car il effectue une transition entre l’enfance et l’âge adulte. Il peut aussi s’avérer indispensable à la survie de la famille. Le travail des enfants est par conséquent un problème à multiples facettes que nous allons essayer d’analyser dans les pages qui suivent.

I. Vision historique

A l’origine, toute la vie de la communauté était centrée sur un contact direct avec la nature. Les activités économiques étant essentiellement la chasse, la pêche et une agriculture très primitive, la participation de tous les enfants était une nécessité pour vivre. Cette nécessité constituait la norme de l’éducation et la garantie de survie tant des individus que de la communauté.

Au cours des siècles, la pression de cet impératif de survie s’allège pour certaines populations et permet une division des tâches de la communauté, les enfants ne recevant que certaines responsabilités précises.

Les tâches attribuées aux enfants sont considérées alors soit comme légères, c’est-à-dire adaptées à leurs forces physiques et mentales, soit comme moins urgentes que celles revenant aux adultes – par exemple, l’entretien de la maison, les soins des plus petits, le transport de l’eau, le recueil du bois de cuisson, etc.

Dans le cadre de la vie en forêt ou de la vie rurale en petits villages, les enfants au fur et à mesure de leur croissance, participent plus ou moins aux travaux de l’entourage – garde de bêtes, cueillette, irrigation, transport.

Tout en étant un appoint à la vie économique de la famille et de la communauté, le travail est pour ces enfants surtout un moyen d’initiation; on le considère à la fois méthode d’apprentissage et processus de socialisation (Bonnet, 1998, pp. 34-41). Ainsi, aujourd’hui comme hier, des dizaines de millions d’enfants consacrent l’essentiel de leurs journées à des travaux domestiques et agricoles qui, sauf exception, seront le lot de toute leur vie.

Un petit pourcentage des population se consacre, selon des traditions immémoriales, à l’artisanat (tisserands, brodeurs, sculpteurs sur bois, sur pierre, sur corne, potiers tailleurs de pierres précieuses, orfèvres, etc.).

Dans les familles d’artisans, au moins un des enfants est retiré des travaux domestiques pour être consacré tout jeune, parfois dès l’âge de 4 à 5 ans, au métier du chef de famille afin de prendre la relève après de nombreuse années d’apprentissage.

Même si progressivement, l’enfant peut assumer la responsabilité d’une partie de la production et augmenter ainsi le revenu familial, en fait sa véritable valeur économique se calcule sur le long terme, dans sa capacité à agrandir l’atelier familial et à subvenir aux besoins des vieux parents.

Dans certains pays, tout au long des siècles, la gigantesque demande provenant des grands travaux de construction a poussé à la mise en place d’une importante industrie du bois, de la brique et de la pierre qui repose sur une population active spécialisée.

Toute la famille travaille et vit sur les chantiers de la naissance à la mort; les enfants y sont dès l’âge de 6 ou 7 ans des travailleurs à plein temps. Depuis des siècles et de façon immuable, des enfants pakistanais, par exemple, fabriquent les mêmes briques, cassent les pierres avec les mêmes outils, les mêmes techniques et les mêmes matériaux que leurs ancêtres.

Dans de nombreux autres pays les conquêtes coloniales ont eu une incidence sur la participation des enfants au travail. La réorganisation de la structure sociale de pays entiers en fonction de l’exploitation maximale de leur richesse amène aux limites de la famine une partie importante de la population. Ainsi, pour les classes sociales les plus fragiles le travail des enfants devient une nécessité pour survivre et non une participation progressive à la vie de la communauté.

Un changement ayant un effet immédiat sur le travail des enfants est l’apparition dans l’agriculture du système des plantations et des grandes fermes spécialisées dans la production commerciale.

Les enfants y sont employés soit indirectement pour permettre aux parents d’atteindre le taux de production fixé, soit directement comme salariés ayant leur propre rendement à assurer. Avec certaines différences selon les pays, les enfants font l’expérience d’une vie de travail très dure sous le contrôle brutal des forces de l’ordre, que ce soit l’armée, la police officielle ou les milices privées.

Un autre changement crucial influençant le travail des enfants est l’introduction de machines et de procédés nouveaux dans la production industrielle, notamment au XIX siècle. Avec le développement technique de ces cents dernières années, les machines et procédés d’autrefois sont tombés en désuétude.

Toutefois, ils continuent à être utilisés par les entreprises d’un secteur industriel classé comme secteur informel. Pour ces petites entreprises, dont le champ d’activité est généralement un marché concurrentiel, souvent très instable et saisonnier, le travail des enfants présente quelques avantages sur celui des adultes : il convient mieux à la demande fluctuante de l’emploi, il coûte moins cher que le travail des adultes, les enfants ne peuvent s’affilier à un syndicat et n’ont aucun droit en tant que travailleurs.

Dans les régions où la main d’oeuvre est surabondante, les travailleurs enfants peuvent constituer aussi une partie considérable de la main-d’oeuvre migrante.

Le travail migrant revêt plusieurs formes : il peut être saisonnier – c’est le cas de l’extraction de l’or au Pérou -, ou plus ou moins permanent – comme dans les fabriques de tapis de Varasi -, en Inde (Bequele et Boyden, 1990).

Si certains enfants migrent en compagnie de membres de leur famille, d’autres s’en vont tous seuls. En général, les enfants migrants se heurtent à de nombreuses difficultés et ont grand besoin de services communautaires. En étant complètement séparés de leur famille et de leur communauté, ils souffrent de carences alimentaires et affectives, et sont exposés à toutes sortes d’abus.

Etat actuel de la question

De nos jours, mis à part le travail agricole – secteur traditionnel utilisant la main d’oeuvre enfantine -, la majorité des emplois sont concentrés dans les zones urbaine, et il apparaît clairement que dans les villes de certains pays, le nombre des travailleurs enfants a considérablement augmenté au cours de ces dernières décennies.

L’implication des travailleurs enfants dans l’économie, la nature des tâches qu’ils exécutent et les conditions dans lesquelles ils sont souvent employés les soumettent à d’importants risques pour leur santé et leur sécurité. La vulnérabilité physique des enfants, notamment ceux de très jeune age, fait que leurs possibilités et leurs besoins sont très différents de ceux des adultes (évidence rarement prise en compte par les employeurs).

Toutefois, bien que de nombreuses tâches ne soient absolument pas adaptées aux travailleurs enfants, ils sont parfois très recherchés dans certaines activités, en raison des avantages que leurs aptitudes offrent aux employeurs. Cela s’applique notamment aux industries qui utilisent des techniques simples et dont la production dépend d’une main-d’oeuvre abondante.

On estime que les enfants sont plus aptes que les adultes au tissage des tapis, par exemple, car ils ont une meilleure vue et ils sont plus rapides et plus habiles. Malheureusement, à long terme, ce travail peut gravement altérer leur santé.

D’une manière générale, la grande majorité d’enfants qui travaillent sont confrontés à des problèmes et dangers similaires. Ils sont victimes de sous-alimentation et d’autres problèmes de santé, ils sont le plus souvent exploités au travail et même soumis à de mauvais traitements par leurs pairs et par les adultes.

Leur travail est médiocrement organisé et mal payé et leurs longues journées de travail perturbent leur instruction et compromettent leur avenir. Bien qu’un nombre étonnamment élevé d’enfants aille à l’école, la majorité n’y va pas; lorsqu’ils la fréquentent, c’est d’une manière si irrégulière que bien peu apprennent à lire et à écrire.

Ceux qui travaillent dans les rues sont aussi exposés à d’autres risques physiques et sociaux : sous la direction de bandes d’adultes organisées ou de groupes antisociaux, beaucoup d’entre eux se livrent à des activités illicites allant jusqu’à la prostitution ou la criminalité. Nombre d’enfants vivent aussi sous la constante menace de la violence, qui est parfois même le fait des autorités.

Une enquête menée auprès des enfants de la rue au Brésil a ainsi révélé que la violence est ce qu’ils craignent par-dessus tout. Il est donc pratiquement inévitable que des enfants qui grandissent dans de telles conditions subissent des dommages psychoaffectifs irréversibles (Bequele et Boyden, 1990, p. 25).

II. Typologie

Abdel-Wahab Bouhdiba (Bonnet, 1998, pp. 44-60) fait une typologie des travailleurs enfants en prenant comme critère la relation plus ou moins flexible établie entre l’enfant et la famille par le travail. Il propose de faire une distinction entre les enfants au travail dans le cadre familial et ceux travaillant hors de ce cadre, avec dans chaque cas une nouvelle distinction selon qu’il y a ou non des intermédiaires entre l’enfant et la famille.

Il ajoute trois situations particulières qu’il appelle « cas d’espèce » car la logique d’exploitation – plus ou moins bridée dans les autres formes d’emploi par le jeu des divers acteurs sociaux – est laissée à elle-même. Voici le tableau de classement de Bouhdiba :

Tableau N°1 : Typologie des travailleurs enfants

I. Travail réalisé en famille
1. Agriculture familiale
2. Artisanat familial
3. Artisanat réalisé à la tâche
II. Travail réalisé en dehors de la famille
a). Sans intermédiaires :
4. Menus travaux pour son propre compte
b). Avec intermédiaires :
5. Menus travaux pour le compte d’un tiers
6. Saisonniers dans l’agriculture
7. Apprentissage
8. Système Sweatshop
III. CAS D’ESPÈCE
9. Bonnes à tout faire
10. Servitude pour dettes
11. Prostitution enfantine

Source : Bonnet M., 1998, Regards sur les enfants travailleurs, p. 45.

1. Agriculture familiale

Dans leur très grande majorité les enfants au travail se trouvent en milieu rural et principalement dans l’agriculture. Cela vient du fait que malgré les flux migratoires et le développement extrêmement rapide des centres urbains, les pays en développement restent marqués non seulement par un poids considérable des populations rurales, mais également par des populations rurales dont la famille est la cellule de base pour travailler.

La pauvreté des populations rurales ainsi que l’insuffisance des services sociaux et éducatifs mis à leur disposition oblige les enfants à participer à toutes les activités familiales.

Les travaux confiés aux enfants sont de deux sortes. Tout d’abord l’aide aux activités domestiques, aide à la maman : nettoyage de la maison et des alentours, vaisselle, lessive, transport de l’eau et du combustible.

L’enfant, notamment la fillette va progressivement prendre la place de la mère, la libérant ainsi pour des activités plus directement rémunératrices. Ensuite les travaux agricoles proprement dit, qui suivent par ailleurs, la différenciation sexuelle des tâches : cueillette, transport et tri des fruits, légumes ou céréales, irrigation et nettoyage des champs et surtout gardinnage des bêtes.

Deux éléments importants ressortent du travail des enfants au milieu rural tel qu’il existe de nos jours. Premièrement, la pénibilité des conditions de travail propre au milieu rural (conditions climatiques dures, agressions extérieures au travers des animaux, outils archaïques pour travailler la terre, longues distances à parcourir, heures de travail nombreuses, etc.) habitue l’enfant, dès son jeune âge, à une vie dure.

En second lieu, l’enfant est attiré irrésistiblement par une vie différente, moins dure, qu’il croît pouvoir trouver quittant le milieu familial rural pour aller en ville. De ce fait, même après avoir fait l’expérience de conditions de vie qu’on juge inacceptables dans les rues et bidonvilles des métropoles, souvent, les enfants les préfèrent à celles du monde rural.

2. L’artisanat familial

L’artisan, pour notre propos, est un ouvrier qui fabrique un objet avec la maîtrise de tout le procès de production et répond aux besoins immédiats de la population environnante.

Du fait que les populations sont pauvres et donc n’investissent que pour répondre à leurs besoins essentiels, les produits de l’artisanat sont traditionnels et évoluent peu. Les enfants vont se trouver au travail surtout dans la poterie, la vannerie, le tissage, la broderie, le travail du cuir, une certaine ferblanterie, et un peu de menuiserie.

Ce travail vient souvent s’ajouter, selon les saisons et les besoins de la famille, aux travaux domestiques et agricoles. Comme dans l’agriculture, il s’agit d’une activité à laquelle participe toute la famille et dont la valeur en tant que processus d’apprentissage et de socialisation est traditionnellement et universellement reconnue.

La production artisanale traditionnelle devient de plus en plus vulnérable à la pression du marché à cause de la prolifération des produits de fabrication moderne, souvent accompagné d’une déviation de l’artisanat vers la demande du tourisme. En effet, l’appauvrissement des couches les plus pauvres de la population les oblige à se procurer au moindre coût les objets de première nécessité.

D’autre part, en transformant les objets traditionnels en “souvenirs”, le tourisme crée une tendance à transformer le système en vue d’une production de masse, ce qui fait sortir l’artisanat de la sphère familiale.

3. Artisanat réalisé à la tâche

La différence entre cette catégorie et la précédente est l’existence d’un intermédiaire dans le processus de production. Cet intermédiaire possède un certain capital et le monopole du circuit commercial pour un produit donné. Il fournit à la famille la matière première et assure l’écoulement du produit.

Dans l’artisanat à la tâche s’opère la transformation de l’atelier familial en entreprise de production dont l’aboutissement est la grande firme industrielle.

La dissémination de la production dans des ateliers dispersés dans la campagne ou dans des bidonvilles de centres urbains ne cache pas la forte concentration de cette production sous la forme de réseaux commerciaux. Ainsi, à l’encontre de l’image traditionnelle de l’artisan, il y a des millions de travailleurs, dont les enfants, qui assurent la marche de secteurs industriels importants camouflés par la définition d’entreprise familiale –p.ex. le tissage de tapis en Inde et la fabrication des ballons au Pakistan..

4. Menus travaux pour son propre compte

Du point de vue de l’enfant, se mettre à son propre compte, même si cela ne signifie pas une vie plus facile, représente une sorte de libération de la pression familiale et, par rapport aux autres enfants qui travaillent, une promotion sociale.

Les travaux correspondants à cette situation sont les plus divers possibles, il n’y a souvent rien de bien fixé de façon permanente : laver des voiture, cirer des chaussures, porter des bagages, trier des fruits et légumes pour revendre les bonnes parties, etc. Ces activités sont rarement dans le secteur de la production mais plutôt dans le commerce et les services.

Ces enfants travailleurs « indépendants » sont en fait une minorité car, même si extérieurement ils paraissent isolés pour mener une activité, il y a souvent dans leur entourage la présence plus ou moins occulte d’un adulte qui contrôle et tire profit de leur travail. Toutefois, l’activité menée pour son propre compte permet à l’enfant au travail de camoufler sa dépendance vis-à-vis des adultes ou de la famille.

5. Menus travaux pour le compte d’un tiers

Ce type d’enfant travailleur se rencontre davantage en ville qu’à la campagne. Ils sont surtout dans les petits commerces ou accompagnent un adulte dans un travail principalement mené dans la rue : porteur, coiffeur balayer, saltimbanque, montreur d’animaux, etc.. La liste des occupations réalisées par les enfants dans un tel cadre peut comporter plus de 150 titres.

De plus, même si la mendicité n’existe plus avec l’ampleur et l’organisation d’autrefois, dans certains pays du Tiers Monde, elle continue d’occuper un certain nombre d’enfants et prend des formes plus sophistiquées comme par exemple, la vente de billets de loterie.

On voit habituellement les enfants travaillant de façon isolée ou avec un adulte, et cela donne l’impression qu’il s’agit de métiers proches de l’artisanat ou du compagnonnage. Or, la dépendance vis-à-vis d’un adulte tourne très rapidement à l’exploitation car d’une part, toute l’activité est organisée en fonction des habitudes de l’adulte et selon sa volonté, et d’autre part, la répartition du revenu tiré de l’activité est loin d’être égale.

6. Saisonniers dans l’agriculture

Le travail de saisonnier est un élément traditionnel et universel de la vie en milieu rural. Il dépend des cultures et des saisons. Certaines récoltes demandent à être réalisées en un laps de temps limité, ce qui pousse les communautés à mobiliser toutes les forces de travail y compris les enfants.

Dans certaines régions, les vacances scolaires sont fixées en fonction des besoins de l’agriculture, mais le plus souvent, il y a une entente tacite entre le maître d’école et la communauté villageoise pour concilier la récolte et la scolarité. Parfois, même les enfants partis en ville retournent à la campagne pour un travail saisonnier.

Quant au travail des enfants dans les plantations et les grandes fermes spécialisées dans l’agriculture pour l’exportation, les enfants vivent habituellement avec leur famille sur le lieu de travail. Ils sont rarement employés directement et à plein temps par le propriétaire.

En général, ils aident leurs parents à atteindre le rendement fixé comme minimum pour toucher leur salaire, mais pendant les périodes de travail intensif, ils peuvent être employés à la journée et toucher ainsi leur propre salaire au rendement. La situation des ces enfants est particulièrement dure dans certains cas, car ils subissent les effets de l’emploi massif d’engrais et de pesticides.

7. Apprentissage

Deux grands systèmes d’apprentissage sont à distinguer : l’un officiellement contrôlé, se fait à travers de centres spécialisés de type scolaire ou sous la forme d’unités de production agréées pour la formation, parfois avec alternance entre les deux; l’autre, qui fait partie intégrante de l’économie populaire, consiste à engager un enfant dans une unité de production, souvent considérée comme une entreprise familiale, et à lui enseigner le métier du patron en le faisant travailler. C’est de ce second type dont il est question dans ce point.

La famille tient habituellement une place capitale dans le choix du métier et surtout de l’employeur; elle conclut le contrat d’apprentissage et assure une certaine surveillance. En fait, vu les difficultés grandissantes pour trouver un emploi, les familles sont de moins en moins regardantes quand à la façon dont se passe l’apprentissage, ce qui ouvre la porte à de nombreux abus.

En général, l’employeur tient à accorder plus d’importance à l’aide fournie par l’enfant qu’à la formation, le prenant même comme simple domestique surtout quand il est jeune. Une autre tendance de l’employeur est de repousser la sortie de l’apprentissage avec reconnaissance de la qualification professionnelle du travailleur, ceci parfois jusqu’à un âge avancé.

Le fait d’être reconnu apprenti place l’enfant dans un statut particulier par rapport aux autres enfants travailleurs. Lors de l’entrée en apprentissage, la famille transmet à l’employeur tous ses droit quand à l’éducation de l’enfant, ce faisant, elle enlève à l’enfant la possibilité de revendiquer le respect de ses droits en tant que travailleur.

Si comme vu plus haut, l’artisanat à la tâche représente un des lieux stratégiques où se croisent les aspects positifs et négatifs du travail des enfants, l’apprentissage, lui, fait apparaître jusqu’au niveau de droit (voir les nombreuses lois sur l’apprentissage dans tous les pays) l’amalgame entre famille et entreprise, de nouveau pour le meilleur et pour le pire.

8. « Sweatshop system »

Bien que le nombre d’enfants concerné ne représente qu’environ 10% du total des enfants travailleurs, la « boutique à sueur », symbole de l’exploitation des ouvriers au moment de la révolution industrielle, est devenu le symbole de l’exploitation du travail des enfants dans les pays en voie de développement. Des centaines de milliers d’ateliers et d’usines se consacrent de plus en plus à la production pour l’exportation en travaillant en sous-traitance pour les grandes entreprises parfois multinationales.

La recherche permanente de l’abaissement des coûts de production pour rester concurrentielles et les délais de production très courts imposés par les grandes firmes, conduisent les petites entreprises à recourir au travail des enfants. Elles en trouvent des avantages considérables : à travail égal, la rémunération des enfants sera nettement inférieure à celle des adultes; de plus, la docilité des enfants est assuré par la situation illégale de l’emploi et par la force de l’employeur adulte vis à vis de la faiblesse de l’enfant.

Dans la plupart des cas, la priorité donné au profit immédiat va conduire ces entreprises à enfermer l’enfant dans un processus irréversible (sauf intervention extérieure) de détérioration de sa santé.

9. Les bonnes à tout faire

Mise à part l’agriculture, le travail comme domestique dans une maison privée est sans doute la forme de travail d’enfant la plus répandu dans le monde, même si, faute de statistiques, seuls quelques sondages permettent de soutenir cette affirmation.

Dans certains milieux urbains, les domestiques représentent jusqu’à 50% des enfants travailleurs, la plupart étant des migrants de la campagne vers la ville, soit en famille, soit de façon indépendante. La grande majorité sont des filles.

Les conditions de vie de ces enfants sont quelquefois proche de l’esclavage : aucun respect d’un minimum de temps de repos, nourriture insuffisante, mauvais traitement sous forme de coups et de punitions corporelles, agressions sexuelles de la part des membres de la famille de l’employeur, etc.

Les enfants domestiques sont particulièrement difficiles à protéger car ils sont complètement isolés dans le domicile privé de l’employeur. Parfois, ils ne parlent même pas la langue de la région et ne sachant pas dans quelle ville ou quel quartier ils se trouvent, il leur est impossible de s’enfuir.

Plusieurs facteurs facilitent ce type d’emploi. Tout d’abord, les travaux domestiques chez un tiers changent peu par rapport aux travaux d’aide à la mère dans leur propre famille, il n’y a pas d’apprentissage, et les adultes concernés ont l’alibi que c’est un travail en famille.

Ensuite, l’accroissement des populations urbaines, avec une certaine amélioration du niveau de vie et une croissance de l’emploi des femmes, pousse à chercher une domesticité bon marché sans les exigences posées par une employée de maison adulte. Enfin, dans de nombreux pays, les familles pauvres confient traditionnellement un enfant à une famille plus aisée, celle-ci le prenant en charge tout en lui demandant le même travail que dans sa propre famille.

10. La servitude pour dettes

Il s’agit de situations qui en pratique sont similaires aux précédentes, mais qui ont pour origine un contrat entre une famille et un employeur dans lequel il est prévu qu’un prêt financier sera payé par le travail d’un enfant. Le genre des travaux demandés à l’enfant n’est pas spécifié et, de ce fait, l’employeur agit comme le propriétaire de l’enfant.

De plus, la rémunération du travail n’étant pas indiquée dans le contrat, l’employeur peut prolonger indéfiniment la durée du travail. D’autres artifices peuvent aussi être utilisés pour gonfler la dette initiale : paiement de soins médicaux surfacturés, remboursement de dommages causés, amendes pour fautes commises, etc.; le tout augmentant régulièrement avec des intérêts souvent exorbitants.

Ce système est particulièrement connu en milieu rural mais se répand depuis une vingtaine d’années dans certains types d’entreprises. Il est bien étudié pour ce qui a trait à l’Inde, au Pakistan, au Népal et au Brésil, mais on découvre actuellement, au fur et à mesure que les recherches sont lancées, qu’il existe aussi dans de nombreux autres pays.

11. La prostitution enfantine

L’exploitation sexuelle des enfants est un aspect aussi présent que bien camouflé de nos sociétés. Les formes de cette exploitation sont multiples : prostitution dans la rue, dans un parc, sur une plage, où l’enfant se propose individuellement à un client; prostitution des enfants employé(e) s dans les bars ou les hôtels; prostitution des filles recrutées en ville pour accompagner des travailleurs migrants; prostitution des enfants victimes du trafic.

Lorsque le travail imposé à l’enfant est de livrer son corps au plaisir et aux fantasmes d’un client, l’intégrité même de la personne est détruite et le développement de l’enfant est dévoyé, souvent de façon irrémédiable, par le traumatisme dû à cette expérience, et de façon non négligeable aussi par les maladies contractées.

Dans certains pays, l’exploitation sexuelle des enfants est fortement ancrée dans les pratiques locales. Cependant, dans ces dernières décennies, les facteurs qui ont aggravé ce type de pratiques sont : le développement du tourisme sexuel, le développement de la pornographie ainsi que le développement des moyens de communication. Des réseaux existent dans toutes les régions du monde, certains sont connus du grand public, par exemple, ceux du Népal vers l’Inde, du Bangladesh vers le Pakistan, de la Birmanie et de la Chine vers la Thaïlande et la Malaisie.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
La formation professionnelle duale: alternative éducative
Université 🏫: Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education
Auteur·trice·s 🎓:
Dana Torres & Carmen Vulliet

Dana Torres & Carmen Vulliet
Année de soutenance 📅: Mémoire de licence - Novembre 2001
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