Vêtements pour les fêtes entre amis – Adolescents

Vêtements pour les fêtes entre amis – Adolescents

2. La mise en scène occasionnelle ou festive

Le choix de la tenue est fortement contextualisé, relativement soumis aux évaluations normatives ambiantes, il varie selon les circonstances sociales (cérémonies religieuses, fêtes familiales ou entre jeunes…). Pour Berger et Luckmann, les canons sociaux de l’habillement selon les différentes occasions sont acquis au cours de la socialisation secondaire et sont considérés comme allant de soi dans la vie quotidienne.

Hors institution scolaire, l’adolescent réactive ses autres dimensions identitaires et peut aller jusqu’à modifier fortement sa présentation de soi. Lorsqu’il sort en famille, c’est sa dimension identitaire d’enfant qui prévaut, lorsqu’il se rend à la synagogue, c’est celle de « juif » qui est réactualisée.

« Quand je vais à des dîners avec mes parents ou à la synagogue, je mets des chaussures plus habillées des Santony et des Chmoove. » (Grégory, 3e, 14 ans, Neuilly)

Pour Maïmouna, dont les parents sont d’origine ivoirienne, les fêtes familiales sont l’occasion de se libérer des normes locales pour arborer une tenue typique aux couleurs plus fortes, elle affiche et revendique clairement sa dimension identitaire d’ivoirienne, sa dimension culturelle.

« Pour les baptêmes, pour les anniversaires de mes tantes ou de mes cousines, je porte les habits de mon pays : un haut (à manches longues) avec un pagne dans un tissu (qui se tient) qui a été frappé. (blanc + couleurs vives). Je ne vais jamais à des soirées entre jeunes. » (Maimouna, 3ème, 14 ans, 93 Epinay sur seine)

En troisième, les collégiens expérimentent le stage professionnel et sont alors confrontés aux normes sociales professionnelles. Le témoignage de Vincent, le rappeur, montre l’ampleur de la révolution vestimentaire qu’il a dû effectuer sous la pression de sa mère et des normes sociales, et sa perte de liberté.

« Il fallait que je mette un costard pour le stage. Après, je m’y suis habitué. J’ai du porter un costard tous les jours. J’ai fait ce stage dans une société d’audit. On est pas à l’aise. Y a pas de liberté : rien que pour se baisser, c’est pas facile. » (Vincent, 3ème, 15 ans, Neuilly)

a) Les enjeux pour les fêtes entre amis

Pour les sorties ou les soirées, l’enjeu semble plus important pour les filles de valoriser leur personne et de s’approprier les codes de la féminité, il demande une plus grande réflexion en amont.

Les soirées offrent à la plupart le plaisir de se métamorphoser aux yeux des autres et d’elles-mêmes, de changer de peau. La recherche de séduction semble l’emporter sur la représentation sociale. Mais plus vraisemblablement, la norme des soirées diffère de la norme au collège et intègre les signes de la féminité (talons, décolletés).

« Pour les fêtes, j’ai pensé au choix de la tenue à l’avance. Je vais porter un jean avec des talons ou des bottes. Le haut va être spécifique, il sera plus décolleté qu’à l’école. » (Salomé, 3ème, 15 ans, Neuilly)

Autre hypothèse, le genre serait pour les adolescentes un jeu réservé aux soirées, la séduction serait un choix du soir, un plaisir où l’adolescente se met en fête pour plaire, c’est sa dimension identitaire de jeune femme « sexy» qui alors domine.

« Ma tenue pour les boîtes : un truc qui ne tient pas trop chaud, décolleté, des chemises et de très hauts talons, jusqu’à 10-12 cm. Je porte les tenues les plus sexy pour aller en boîte. Je mets aussi des robes en boîte, plutôt l’été. » (Valentine, 2nde, 15 ans, Neuilly)

L’importance de l’enjeu à leurs yeux se traduit par un temps de préparation beaucoup plus long qu’au quotidien, pouvant aller jusqu’à une heure et demie, et par des essayages multiples.

« Pour une soirée, il me faut ¾ d’heure. Je prends ma douche, je choisis des affaires, je me maquille, puis je me sèche les cheveux. Je sors plusieurs affaires, j’essaye, je prends ce qui me plait. Je ne range pas, parce que je suis toujours en retard. » (Valentine, 2nde, 15 ans, Neuilly)

Côté garçon, qu’ils soient rappeur, skater ou fashion, nombreux sont ceux qui abandonnent leur tenue de collégien ou lycéen pour une tenue plus classique, chemise et veste.

« Quand on va dans un restau, souvent dans un Italien au Raincy, je m’habille un peu plus chic avec un jean, un pull noir plus serré et une veste de costard. Je porte cela pour les fêtes, quand je sors à Paris ou avant pour aller à la synagogue. » (David, 1ère, 16 ans, 93 Gagny)

b) Les codes et les influences

Il y a aussi des codes à respecter, l’enjeu mobilise l’avis des proches (robe ou pas robe). Ainsi, Philippine n’hésite pas à faire venir deux de ses amies pour leurs précieux conseils qu’elle suit au pied de la lettre. En boîte, la norme est d’éviter d’être vulgaire : avoir une robe là (haut des cuisses), avoir beaucoup de talons et être trop maquillée.

« Pour une sortie, il faut que ce soit un peu original, que ma tenue me mette en valeur. J’ai demandé son avis à ma sœur ou à une amie, on vérifie qu’on soit pas trop habillées ou trop décontractées. » (Mathilde, 1ère, 16 ans, Asnières)

Au final, je n’ai pas perçu de différences entre les préférences personnelles et les goûts affichés sur la scène sociale au quotidien côté garçon. En revanche côté fille, l’affichage de leurs goûts vestimentaires semble fortement contraint par l’entourage générationnel ; certaines adolescentes adoptent un style très différent avec une féminité beaucoup plus affirmée le week-end et pour leurs sorties auprès de proches qu’elles ont choisies et hors du contrôle social exercé par leurs pairs. Il s’agit là de stratégies de contournement pour échapper à la pression des pairs.

Ce phénomène est à rapprocher de la rigidification des relations entre sexe au lycée (D.Pasquier, 2005). Les garçons dénigrent la culture féminine de la sentimentalité. Nous verrons dans la dernière partie la domination masculine dans les quartiers populaires. Pour H. Kebbsza, les filles doivent composer avec cette double menace : celle d’être une fille « étiquettée », c’est-à-dire souffrant d’une mauvaise réputation, mais aussi celle d’être une « proie sexuelle » potentielle avec le risque de subir des agressions verbales ou physiques.

Explorons à présent les représentations liées aux vêtements, en distinguant les représentations pour soi et les représentations pour les autres. L’enjeu de la présentation de soi est significatif pour soi et pour les autres, notamment avec ses groupes d’appartenance. La «culture jeune», les marques, les vêtements, les musiques positionnent le jeune à ses propres yeux comme pour ceux qui l’entourent.

Elle fournit aux adolescents de multiples codes d’identification. On peut ainsi se construire un style, un style pour soi, un style pour les autres. Imitation ou distinction ? Pour E. Erikson, l’identité présente deux faces : « le sentiment conscient de la spécificité individuelle » et « l’effort inconscient tendant à rétablir la solidarité de l’individu avec les idéaux du groupe ».

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Modes vestimentaires chez les adolescents
Université 🏫: Université Paris-Descartes – Paris V - Faculté des sciences humaines et sociales
Auteur·trice·s 🎓:

Année de soutenance 📅: Mémoire de recherche Master 2 - JUIN 2008
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