Styles des adolescents – Styles vêtements

3. Un style pour soi

Le bricolage de soi prend le relais de l’ancienne identité établie sur le fond des appartenances et de la transmission sociale, acquise lors de la socialisation primaire. Enfant, il suivait les injonctions parentales.

Adolescent, il expérimente ce bricolage et retravaille le sentiment de soi au travers de ses choix vestimentaires tout au long du collège et du lycée. L’attention portée à la présentation de soi et à la mode reflète le narcissisme des adolescentes, dont Salomé est emblématique. En effet, son interview tourne pour une part importante autour d’elle et de sa beauté, beauté dont elle fait un critère affinitaire.

« J’appartiens à un clan de 7, les plus beaux et les plus belles. C’est un clan assez fermé, il n’y a que des élèves de ma classe. Il s’est formé très vite dès la 1ère semaine. » (Salomé, 15 ans, en 3ème, Neuilly)

A l’adolescence, on assiste à une inflation du narcissisme décrite par de nombreux psychanalystes. . Ainsi, 71% des ados déclarent faire attention à leur apparence. C’est en se plaisant à soi-même qu’on a toutes les chances de plaire aux autres. À défaut de se connaître soi-même, s’aimer, c’est déjà ça. L’image de soi, le temps, le soin qui lui sont consacrés sont des caractéristiques majeures ; d’ailleurs, le temps d’occupation de la salle de bain augmente considérablement entre l’enfance et l’adolescence.

L’expérimentation vestimentaire est une forme de socialisation et de construction identitaire. Pour Sainsaulieu, l’identité ne peut être séparée de la socialisation. Pour Sheldon, Striker et Peter Burke (2000), l’individu favorise l’identité de rôle dont il pense qu’elle lui apportera des satisfactions au travers de sa réception par autrui.

Interrogés sur leur style, certains ont déclaré n’en avoir qu’un seul, reflétant soit leur personnalité, soit leurs goûts. Quelques-uns revendiquent un bricolage de soi pour soi, à la recherche d’aucun compliment. D’autres à l’instar de Grégory, cherchent à concilier une façade qui leur ressemble tout en étant conforme aux normes du groupe.

« Un style, ça sert à se mettre en valeur, par rapport aux autres (à être à la mode) et à soi-même. Le look, ça nous fait une personnalité, cela la reflète. Je cherche à être bien habillé, je cherche à communiquer que je prends soin de moi. » (Grégory, 3ème, 14 ans, Neuilly)

Les autres déclarent plusieurs styles, refusant d’être enfermé dans un seul et ainsi de prêter le flanc à l’étiquetage. Nous sommes là exactement dans la situation miroir de la Labelling Theory développée par Howard Becker en 1985 dans Outsiders pour comprendre comment et pourquoi les gens sont étiquetés comme déviants. H. Becker montra parfaitement que ce n’est pas seulement la transgression, mais surtout le «labelling » par les autres qui apporte cette identité dévalorisante.

Certains, tendance plus caméléon, évoluent en fonction de leur entourage acceptant l’uniforme fashion du jean slim par exemple, puis le rejetant pour se distinguer.

« J’ai des styles divers, je peux mettre des vestes en cuir avec un slim qui font plutôt rock, des talons et une chemise habillée et un jean, ou une robe style habillée. Style rock, style normal, style habillé et style cool aussi pour aller à l’école. C’est juste que j’aime bien changer. C’est pour éviter d’avoir l’étiquette de la fille qui suit trop la mode. » (Valentine, 2nde, 15 ans, Neuilly)

Enfin, loin d’être dupes, quelques adolescentes critiquent la focalisation de leur société de pairs sur le paraître et soulignent l’importance de la parole, de la conversation dans la socialisation.

« Le look, c’est important. Je n’aime pas les gens pour leur look, on dit qu’il ne faut pas faire attention à ça, mais dans la société, c’est faux. Quand on s’habille d’une certaine façon, ça nous met directement dans des catégories. Ce n’est pas en soi un critère pour aimer quelqu’un. Pour me faire comprendre, je préfère parler aux gens directement. » (Laetitia, 2nde, 16 ans, Paris 16)

Kebabsza H, Jeunes filles et garçons des quartiers. Une approche des injonctions de genre, rapport pour la délégation interminstérielle à la ville, Université Toulouse le Mirail, 2003

Consojunior 2006, 1670 questionnaires 8-17ans.

S’éloignant progressivement des normes parentales, l’adolescent semble évoluer dans son style de l’imitation à la distinction, avec une accélération générale vers la distinction au passage au lycée.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Modes vestimentaires chez les adolescents
Université 🏫: Université Paris-Descartes – Paris V - Faculté des sciences humaines et sociales
Auteur·trice·s 🎓:

Année de soutenance 📅: Mémoire de recherche Master 2 - JUIN 2008
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