L’imitation des pairs, l’uniformisation des vêtements

L’imitation des pairs, l’uniformisation des vêtements

b) L’Imitation

Spécialiste des questions de jeunesse, Olivier Galland (2007) souligne le conformisme de l’adolescence qui s’exerce plus fortement aujourd’hui.

Comme le dit F.Dubet (1996), « Les élèves peuvent bien sûr se percevoir comme des individus originaux, mais ils ont du mal à vivre cette différence comme positive tant les critères des jugements scolaires paraissent les seuls disponibles. Pour être soi, il faut d’abord être comme les autres ».

Cette stratégie d’imitation peut s’effectuer par rapport aux pairs, par rapport à des icônes ou dans le cadre du choix de marques à très forte diffusion au sein de la génération des adolescents.

Les marques constituent à la fois une ressource pour une stratégie d’imitation lorsqu’elles sont très répandues, et une ressource pour les stratégies de distinction lorsqu’elles confèrent à leurs détenteurs un statut élitiste, réservé aux initiés.

(1) L’imitation des pairs, l’uniformisation

La multiplicité des panoplies disponibles contraste avec cette impression d’homogénéité qu’offre au regard les collégiens plus que les lycéens.

Dans les cours de récréation ou aux abords des établissements, nous voyons peu d’adolescents au look excentrique, extrême ; l’impression générale est celle d’uniformité que ce soit à Neuilly ou à Epinay sur Seine.

Pour Hannah Arendt, « affranchi de l’autorité des adultes, l’enfant n’a pas été libéré, mais soumis à une autorité vraiment tyrannique : la tyrannie de la majorité ».

Cette uniformité provient tout d’abord de la nature même des stratégies d’imitation mises en oeuvre par les adolescents. Ils ne sont pas dupes ; ils savent bien que l’imitation ou la conformité aux normes qu’ils s’imposent entre eux est à l’origine de nombreuses décisions en matières vestimentaires.

Gabriel Tarde a créé la célèbre théorie de l’imitation dans les Lois de l’imitation.

Des courants d’imitation « rayonnent » dans la société à la manière de forces magnétiques. Les relations sont fondées sur l’imitation. Chacun essaye de ressembler à ses voisins pour rendre la vie sociale plus facile. Chaque individu reçoit ainsi des autres des idées ou des représentations qu’il s’approprie quand il les juge bonnes, les copiant, les transformant.

Georg Simmel reprend le concept d’imitation à son compte et l’applique à la mode dans son essai « la mode » de 1895 : « l’imitation délivre l’individu des affres du choix, elle le signale comme la créature d’un groupe, comme le réceptacle de contenus sociaux ».

L’imitation est une stratégie qui permet aux adolescents, notamment aux collégiens, de limiter leur prise de risque socialement. Tenir son rôle, en adéquation avec une façade sociale », est une façon de se préserver du danger en répondant aux impératifs d’une apparence sociale conforme.

Philippine, qui a été fortement encadrée enfant et dont les parents continuent à imposer certaines normes vestimentaires (pas de talon au collège, pas trop de sweats à capuche), déclare un fort besoin de mimétisme et de conformisme.

L’imitation et l’uniformisation lui apportent du confort, elle se plie volontiers au cadre imposé par les pairs.

« Je cherche à me fondre dans la masse, on a toutes des sweats, des Superga. On n’est pas des sosies, mais ça me met plus à l’aise d’avoir des trucs pareils. En même temps, à l’Alma, quand quelqu’un a quelque chose de beau, tout le monde a le même.

C’est généralement dans des magasins basiques, H&M ou Zara et c’est facile à retrouver. Je cherche à être comme les autres, je ne me différencie pas trop.

Ce que j’aime bien chez une personne, j’aime bien l’avoir sans copier toute sa garde-robe. Je demande si ça dérange à la personne que j’aie la même chose, si elle s’en fiche, je lui demande où elle l’a acheté et je l’achète. » (Philippine, 3ème, 14 ans, Paris)

Cette uniformisation dépasse la génération des adolescents. Aujourd’hui, les conventions évoluent vers un moindre formalisme, toutes générations confondues. Ainsi, trois inventions de mode du XXe siècle – le jean, les baskets, le tee-shirt- sont portées sans distinction de classe, de nationalité, de genre ou d’âge.

C’est parce qu’un fort conformisme prévaut parmi les adolescents, que se distinguent plus nettement des marqueurs de cycle.

Arendt H., La crise de la culture, 1986 de Tarde G., Les lois de l’imitation,1890, rééditeur Les empêcheurs de penser en rond, 2001.

Simmel G., la tragédie de la culture, Rivages,1993, p91

Ainsi, au passage au lycée, il faut bazarder une partie de son passé, jugé désormais comme ridicule. Le jogging, uniforme des collégiens dans les quartiers populaires que nous développerons dans la dernière partie, est abandonné au lycée.

Côté fille, ce sont les talons qui font leur timide apparition en classe de troisième pour devenir une pratique largement répandue au lycée.

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
Modes vestimentaires chez les adolescents
Université 🏫: Université Paris-Descartes – Paris V - Faculté des sciences humaines et sociales
Auteur·trice·s 🎓:

Année de soutenance 📅: Mémoire de recherche Master 2 - JUIN 2008
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