Rôle de la demande dans l’échange international

3. Rôle de la demande dans l’échange international

La prise en compte de la demande dans l’échange international est souvent présentée dans les différents ouvrages d’économie internationale comme, sinon une limite, en tout cas une lacune importante à la démonstration de Ricardo, puisque l’on démontre facilement que la demande jouera un rôle important notamment dans la répartition du gain mondial à l’échange.

3.1. Analyse de la répartition des gains entre les pays

Ricardo montre que la spécialisation basée sur les avantages comparatifs de deux pays engendre un gain en unités de travail. Il suppose pour cela que la demande de chacun de ces pays est la même et que leurs productions respectives permettent d’y subvenir. Or si les unités de travail gagnées donnent lieu à une augmentation de la production, l’offre risque fort de devenir supérieure à la demande et dans ces conditions, il sera difficile de fixer un prix d’équilibre.

« Tout échange, que ce soit entre nations ou entre individus, est un échange réciproque de marchandises, dans lequel les choses qu’ils ont chacun à vendre constituent aussi leur moyen de paiement : l’offre apportée par l’un constitue la demande de ce qui est apporté par l’autre. Ainsi, l’offre et la demande ne sont rien d’autre que l’expression de la demande réciproque ; dire que la valeur des choses s’ajustera d’elle-même, afin d’égaliser la demande et l’offre, revient à dire qu’elle égalisera la demande d’un partenaire avec la demande de l’autre partenaire ». (Stuart Mill, 1848).

Mucchielli (1990) expose clairement les modalités de fixation des prix des biens échangés à l’aide du graphe suivant :

Rôle de la demande dans l’échange international

Sont représentés ici, les segments d’offre du bien 1 correspondant en fait aux quantités possibles produites dans chaque pays aux coûts relatifs image030 et image032. Ces deux segments donnent la droite brisée O.

La courbe D représente la demande mondiale relative du bien 1, elle a les caractéristiques d’une fonction de demande classique (dD/dP<0).

L’intersection de ces deux droites permet d’établir le prix international relatif du bien 1. Ce prix se situera entre les deux rapports de prix relatifs internes (cas par exemple de l’intersection entre O et D2) ou bien sera égal à l’un d’entre eux (cas par exemple de l’intersection entre O et D3).

Le gain à l’échange sera alors égal à la différence existant entre le rapport d’échange interne et le rapport d’échange international du produit considéré. Plus le second sera éloigné du premier et plus le gain sera important. (compléments en annexe 3)

« La demande joue donc un rôle fondamental dans l’établissement du prix international comme dans le partage du gain. Un pays aura d’autant plus de chance de gagner de façon importante à l’échange international que les produits pour lesquels il a un avantage comparatif sont fortement demandés » (Mucchielli 1990).

Il faut souligner d’autre part que dans l’exemple de Ricardo, l’ouverture à l’échange implique une spécialisation complète de chacun des pays dans le produit pour lequel ils disposent d’un avantage comparatif. Cette spécialisation « complète » ne repose que sur les conditions d’offre, comme si les deux produits étaient demandés dans les mêmes proportions ; or, si cela n’est pas le cas, il ne peut y avoir de spécialisation complète.

3.2. La demande, déterminant essentiel du tourisme international

Dans l’analyse des échanges internationaux en matière de tourisme, la théorie de la demande fournit plus d’éléments que la théorie des coûts comparatifs puisqu’elle permet d’expliquer à la fois les raisons du développement des flux touristiques et l’intensité des courants d’échanges touristiques entre pays.

Elle donne une image « instantanée » (à un moment précis) des désirs de la clientèle aussi bien en termes de quantité que de qualité. Gardant à l’esprit qu’elle dépend, d’une année sur l’autre, de nombreux facteurs (conjoncture, mode etc.), on peut toutefois déterminer la demande touristique internationale assez précisément à travers l’évolution du nombre de séjours de vacances et le pourcentage de séjours à l’étranger dans les séjours totaux.

Sans aller jusqu’à rejeter totalement l’explication donnée par Ricardo quant à la spécialisation internationale, force est de constater que concernant le secteur tourisme, il est fréquent de voir des échanges de vacanciers entre pays relativement semblables sur le plan des dotations factorielles (dont nous soulignerons l’importance dans le prochain paragraphe), et au titre de produits eux aussi relativement semblables, ce qui réduit considérablement l’hypothèse d’avantages comparatifs assez consistants pour être pertinents.

Linder est le premier en 1961 à faire cette constatation et à proposer une analyse adaptée à ces faits, fondée sur la demande intérieure qu’il considère comme la demande représentative. Pour lui, la spécialisation internationale d’un pays dépend (aussi) d’une demande domestique suffisamment importante.

C’est effectivement le cas des principaux pays récepteurs de touristes internationaux comme la France, l’Allemagne, la Suisse, le Canada, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni où la demande internationale complète une demande touristique nationale importante.

Les efforts alors consentis pour contenter le consommateur local, et développer au mieux l’activité nationale, permettent au pays concerné d’accroître son avantage comparatif dans ce domaine, par rapport aux pays ne disposant pas des mêmes infrastructures et du même environnement.

Mais, et c’est là que Linder prolonge l’idée de Ricardo, ces efforts vont du même coup rendre l’offre nationale totalement adaptée (puisque similaire) à la demande nationale de pays semblables voisins. On peut alors se demander ce qui pourrait pousser quelqu’un à aller chercher à l’étranger ce dont il dispose (quasiment) à l’identique à domicile.

Lassudrie-Duchêne (1971) montre qu’en fait : « la base de l’échange international est avant tout une demande de différences entre les partenaires à l’échange » : même si les produits échangés sont semblables, la seule présence d’une différence si négligeable soit-elle au niveau de la qualité ou tout simplement de la marque, n’est pas forcément considérée comme telle (négligeable) par le consommateur, et donne lieu à un déplacement international de ce dernier. Ainsi les différences d’environnement géographique, culturel, linguistique, font souvent l’objet d’échanges entre pays voisins de niveaux de développement économique comparables.

Ce phénomène lié, disons-le, au choix du consommateur peut être à l’origine d’une situation paradoxale où deux pays très semblables ne disposant donc a priori d’aucun avantage comparatif (l’un par rapport à l’autre, concernant donc sensiblement le même produit touristique) seraient amenés à échanger des flux touristiques plus importants que deux pays moins semblables disposant chacun d’avantages comparatifs relatifs évidemment à deux produits distincts.

« Ainsi, la demande permet d’expliquer non seulement les causes du tourisme international mais surtout leur intensité. Le volume des échanges de tourisme international sera d’autant plus important entre partenaires que ceux-ci auront une demande touristique intérieure élevée et à structure similaire. Il en résulte que le tourisme international se développe particulièrement dans des zones géographiques qui regroupent des pays développés à haut pouvoir d’achat » (Vellas, 1985).

Par souci d’honnêteté, il faut tout de même reconnaître l’existence du facteur « facilité » non négligeable qui pourrait également fournir une explication à l’importance des flux touristiques entre pays semblables et voisins.

En effet, la proximité géographique permet par exemple aux voyageurs d’utiliser des moyens de transport moins onéreux comme la voiture (dans le cas de pays limitrophes), l’économie réalisée sur « l’élément transport » sera une économie sur le produit final choisi (constitué des trois éléments : transport, hébergement, activités annexes) ou permettra de choisir un hébergement de qualité supérieure même si plus onéreux par report dans le budget hébergement de l’économie réalisée sur le transport.

Des facilités d’ordre administratif ou politique peuvent également inciter le consommateur à choisir un pays appartenant à la même communauté économique évitant ainsi des contrôles excessifs aux frontières ou les démarches fastidieuses d’obtention de passeport, visa et autre formalité de vaccination.

Des troubles politiques (instabilité) auront bien souvent des effets encore plus dissuasifs.

Enfin, si nous présentions précédemment la différence culturelle comme un atout dans le développement touristique puisqu’elle met en valeur l’idée de dépaysement souvent recherchée par le vacancier, l’analyse de Linder montre qu’elle n’est pas indispensable à l’échange international et Vellas (1985) va plus loin en précisant qu’une trop grande différence d’environnement culturel peut aussi limiter le tourisme international et empêcher un pays d’atteindre un tourisme de masse si tout n’est pas mis en oeuvre notamment au niveau de l’accueil et de l’accompagnement pour faciliter l’intégration (provisoire) du visiteur.

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