Modalités de choix des médicaments dans les pays en développement

Modalités de choix des médicaments dans les pays en développement

Chapitre 2:La place d’ICH dans un schéma d’Efficience pour les pays en développement

Nous allons élargir le champ de notre étude à un ensemble de paramètres que nous considérons essentiels pour permettre l’amélioration de la qualité des médicaments dans les pays en développement, c’est ce qu’on a appelé le schéma d’efficience.

Mais tout d’abord nous allons retracer le circuit du médicament dans les pays en développement en mettant l’accent sur les modalités du choix des fabricants.

I- Les modalités de choix des médicaments dans les pays en développement

I-1 Le circuit du médicament dans les pays en développement

Les sources en médicaments dans les pays en développement sont de deux types : la production locale et l’importation.

I-1-1 Production locale

La production locale dans la plupart des pays en développement ne constitue qu’une petite part de la consommation des médicaments. A titre d’exemple, la production pharmaceutique en Afrique compte pour moins de 1% de la production mondiale en valeur.[56]

La plupart de ces pays sont dépendants des importations de médicaments comme le montre le tableau suivant :

PaysPart production localePart importationPrincipaux pays et régions fournisseurs de médicaments, (par ordre d’importance)
Algérie10 %90 %France, Italie, Espagne, Maroc
Bolivie25 %25 % / 50 %contrebandeChili, Espagne, Suisse, Panama, USA, Argentine, Uruguay, Belgique, France
Burkina-Faso4 %96 %France, Belg/Lux, Allemagne, USA, Italie, Pays Bas
Colombie90 %10 %USA, Allemagne, Suisse, France, Roy-Uni
Congo//France, UE
Côte d’Ivoire13 %87 %France, UE
Djibouti0 %100 %France (90 %), Egypte, + Aide internationale (France, Italie, UE, Arabie Saoudite, Corée du Sud, Koweït, Israël)
Ghana20 %80 %USA, Roy-Uni, Belg/lux
Guinée0 %100 %France
Kenya30 %70 %Inde, UE, USA, Canada, Afrique du Sud, Israël, Chine, Pakistan, Afrique de l’ouest, Zimbabwe
Madagascar30 %70 %France, UE
Mali20 %42 %80 %58 %France, UE
Mauritanie0 %100 %France
Niger10 %90 %France
Nigeria20-15 %80 – 85 %Roy-Uni, Allemagne, Suisse, USA, Canada, UE, Inde, Chine, Asie
Pakistan76 %27 %USA, Roy-Uni, Chine, Italie, Pays-Bas, Suisse, Allemagne, Europe de l’Est, Japon, Corée du Sud
Sénégal10 %15 %90 %85 %France, Pays-Bas, Roy-Uni, USA, Suisse
Tchad6 %94 %France, Belgique, Roy-Uni, Italie, Pays-Bas
Tunisie35 %65 %France (64 %), Italie, Roy-Uni, Jordanie, Danemark, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Italie, Hongrie, Finlande
Zimbabwe70 %30 %Roy-Uni, Allemagne, Suisse, Belg/lux, Pays-Bas, France

Tableau 8 Part de la production locale dans des pays de tiers monde [45]

La capacité de production est utilisée dans des proportions variables selon les entreprises et selon la forme galénique.

A titre d’exemple, au Tchad l’ensemble de la production est estimé entre 5 à 18% du potentiel réel de production.[57]

Ceci est dû essentiellement aux prix peu compétitifs et aux soupçons quant à la qualité de la marchandise, d’autant plus que le système d’assurance qualité reste faible par l’absence d’une réglementation spécifique suffisante et d’un contrôle extérieur efficace.

I-1-2 L’importation

La principale source des médicaments dans les pays pauvres reste l’importation.

Pour l’Afrique francophone par exemple la France reste le plus gros fournisseur :

Les exportations pharmaceutiques Françaises en Afrique francophone en milliers de Francs français), données Leem

Figure 12 Les exportations pharmaceutiques Françaises en Afrique francophone en milliers de Francs français), données Leem [32]

L’approvisionnement des pays en développement peut être assuré soit directement par le fournisseur, ou par l’intermédiaire d’une centrale d’achat ou encore par des structures humanitaires gouvernementales ou non.

La qualité de ces médicaments est différente selon l’origine et le lieu de fabrication.

Pour les produits fabriqués dans les pays industrialisés et qui ont l’AMM national, la qualité à l’exportation offre les mêmes garanties que celles dans le marché intérieur.

Pour les produits fabriqués dans les pays industrialisés mais destinés à l’exportation, la qualité est variable mais elle n’est garantie que par l’acceptation d’un dossier d’AMM par les autorités de tutelle.

Pour les produits qui transitent par les pays industrialisés mais qui sont fabriqués dans d’autres pays comme l’Inde et la Chine, la qualité est variable et l’origine est souvent difficile à identifier.[58]

a/ Le choix du fabricant par le pays

Les pays importateurs peuvent traiter directement avec les fournisseurs par un système d’appel d’offre, mais il existe plusieurs types d’appels d’offres.[59]

Appel d’offres international ouvert : la procédure est très formelle. Elle implique que les offres émaneront de fournisseurs informés via les médias nationaux et/ou internationaux. Par voie de conséquence, toutes les offres devront être évaluées en terme de qualité des produits offerts et celle de leur fabricant.

Appel d’offres restreint : cette procédure permet de n’inviter que des fournisseurs déjà qualifiés (système de pré-qualification du couple produit/fournisseur). Elle a l’avantage de faire gagner du temps et garantir des qualités comparables, mais elle implique que l’évaluation de tous les fournisseurs potentiels ait été faite au préalable.

Marché de gré à gré : dans ce cas l’acheteur contacte directement un certain nombre de fournisseurs (en principe trois au minimum), mais cette méthode peut être biaisée par le choix des fournisseurs.

Le choix du fournisseur dépend de la politique pharmaceutique dans le pays importateur. Dans la majorité des cas, le prix est l’élément essentiel du choix, la qualité des médicaments quant à elle ne constitue qu’un élément secondaire ce qui présente un danger pour la santé des patients.

Le manque de transparence dans le système d’approvisionnement dans les pays en développement peut pousser un certain nombre de responsables politiques sans scrupules d’accepter pour leur propre population des médicaments provenant de fournisseurs ne respectant pas les normes de qualité en échange d’intérêts personnels.

La corruption et le manque de transparence qui empêchent la concurrence et limitent les choix, augmentent donc les prix et favorisent l’écoulement de produits de moins bonne qualité.

b/ Organisations humanitaires

Les organisations humanitaires participent activement dans l’approvisionnement en médicament des pays en développement en particulier les plus pauvres d’entres eux.

Des organisations intergouvernementales OIG comme l’UNICEF et des organisations non gouvernementales ONG comme MSF assument eux même leur approvisionnement en médicaments. D’autres structures humanitaires font appel à des centrales humanitaires comme la CHMP.

Au niveau de MSF, les pharmaciens se chargent d’identifier un ensemble de fournisseurs qui offre, à des prix corrects, des produits répondant aux normes internationales de qualité.

L’UNICEF achète ses produits pharmaceutiques par le biais d’appels d’offres internationaux qui sont lancés auprès d’une large sélection de fabricants possédant l’expérience de l’approvisionnement en médicaments génériques des pays en développement.

La Centrale Humanitaire Médico-Pharmaceutique CHMP (cf. p 101) organise l’approvisionnement au moindre coût en médicaments essentiels, en matériel médical et produits de biologie tout en respectant les standards de qualité.

La CHMP adopte une démarche d’agrément du couple article/fournisseur afin de disposer d’un panel suffisant du même article pour lancer un appel d’offres avant toute commande.[60]

I-2 Place des normes ICH dans le choix des fabricants du médicament

Les médicaments se différencient des autres produits que l’on peut acheter par leur diversité, les questions de stabilité et de durée de vie, les conditions de stockage, notamment à cause de leur sensibilité à la température et à l’humidité et par les critères de qualité du produit et du fabricant.

Quelle est donc la place des normes ICH dans le choix des fabricants ?

I-2-1 Les règles de choix des médicaments : principe d’efficience

Le choix du couple produit/fournisseur, au-delà des trois exigences efficacité/qualité/sécurité, est conditionné par un rapport qualité/coût optimal : c’est ce qu’on appelle l’efficience.

L’efficience vise à aider au choix entre des médicaments ayant plus d’efficacité et un coût plus élevé et des médicaments moins efficaces et moins coûteux.[61]

La sélection des fournisseurs devrait être encadré par le respect des contraintes réglementaires (respect des normes internationales) et économiques (le moins cher des meilleurs, et non le meilleur des moins chers) pour aboutir à l’efficience.

Modalités de choix des médicaments dans les pays en développement

Les normes ICH ne sont pas suffisantes à elles seules pour permettre le choix définitif d’un fournisseur ou d’un autre.

Elles se trouvent, avec les autres normes, en aval du schéma d’efficience permettant ainsi une évaluation réglementaire et assurant les critères de qualité, de sécurité et d’efficacité.

L’évaluation économique permet quant à elle de différencier par le coût plusieurs médicaments présentant les mêmes garanties de qualité, de sécurité et d’efficacité. C’est le cas lors du choix entre plusieurs génériques d’un même princeps.

I-2-2 Exemple de schéma d’efficience : la CHMP [62]

La Centrale Humanitaire Médico-Pharmaceutique est la première association humanitaire à bénéficier du statut d’un établissement pharmaceutique, distributeur en gros à vocation humanitaire (arrêté ministériel septembre 1998) qui l’agrée en tant qu’association à but non lucratif et à vocation humanitaire et en tant qu’établissement pharmaceutique.

La CHMP a pour rôle d’approvisionner les associations humanitaires ou toutes structures à but non lucratif dans le cadre de leurs programmes d’aide médico-pharmaceutique. C’est une centrale d’achat, distributeur en gros à vocation humanitaire de médicaments essentiels génériques (division MEDESS), de matériel médical (division MATMED) et matériel d’analyse biologique (division BIOLOGIE).

La volonté absolue de la CHMP de ne fournir aux structures humanitaires que des médicaments conformes aux standards de qualité des pharmacopées occidentales, a nécessité la mise en place d’une stratégie d’achat stricte, ainsi que la création d’un laboratoire de contrôle qualité des médicaments.

Les missions de la CHMP sont les suivants :

  • organiser l’approvisionnement en médicaments, matériel médical et réactifs de biologie pour le compte de structures médico-pharmaceutiques ou autres organismes à vocation humanitaire.
  • Contrôler et maîtriser la qualité des produits auprès de ses fournisseurs.
  • Mettre à disposition des populations en voie de développement, défavorisées ou en difficulté, des produits adaptés et de qualité à un moindre coût.
  • Apporter tous conseils, informations et formations concernant la bonne utilisation des médicaments.
  • Réaliser des analyses physico-chimiques afin de contrôler la qualité des médicaments, par le biais de son propre laboratoire.

Selon la CHMP, l’origine de la mauvaise qualité des génériques importés peut être de 3 types :

  • une altération du principe actif lors de différentes voies de synthèse avec un risque d’impureté, de diminution de stabilité et de toxicité ;
  • une modification de la bio-disponibilité du principe actif lors de la formulation galénique avec un risque de perte d’efficacité ;
  • une mauvaise stabilité du principe actif lors du transport et du stockage dans des conditions climatiques difficiles des pays destinataires.[63]

Pour assurer l’approvisionnement des médicaments de bonne qualité vers les pays en développement, la CHMP a élaboré le schéma d’assurance qualité suivant :

  • Questionnaire d’évaluation générale
  • Identification des référentiels :de la structure (établissement pharmaceutique, BPF, certification ISO,..)du produit : AMM ou autre enregistrement dans le pays d’origine, autorisations d’exportation, enregistrement dans le pays destinataire, études de bioéquivalence, de tolérance et de stabilité (zones climatiques ICH Q1F), certification des matières premières actives
  • Audit détaillé selon les B.P.F
  • Signature d’un cahier des charges entre la CHMP et le fabricant
  • Un Contrôle Qualité est effectué au sein du laboratoire de contrôle sur la première livraison
  • Les performances des fournisseurs seront évaluées par une fiche signalétique comprenant différents niveaux d’appréciation (administratif, service, qualité via des contrôles randomisés,…).

Nous considérons que la CHMP répond parfaitement à notre schéma d’efficience.

Pour la CHMP, les normes ICH font partie d’une cascade de normes et de référentiels réglementaires dont l’objectif est d’assurer la qualité, l’efficacité et la sécurité des médicaments.

L’ICH appartient donc à un ensemble homogène composé d’un système normatif, d’un système réglementaire et d’un système économique et qui permet, si tous ces composants sont respectés, d’aboutir à la commercialisation d’un médicament sûr, efficace et au moindre coût.

Par quel mécanisme cet ensemble peut il opérer pour éviter un surcoût éventuel lié à l’application des normes ICH et pour atteindre l’efficience?

Pour citer ce mémoire (mémoire de master, thèse, PFE,...) :
📌 La première page du mémoire (avec le fichier pdf) - Thème 📜:
LES NORMES ICH D’ENREGISTREMENT DES MEDICAMENTS :
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Adib BENFEDDOUL

Adib BENFEDDOUL
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