L’assurance-vie et la transmission du patrimoine

§2 : L’assurance-vie et l’optimisation de la transmission du patrimoine

§2 : L’assurance-vie et l’optimisation de la transmission du patrimoine

A) Les adhésions conjointes

1- Entre tiers

L’article L132-1 du Code des assurances autorise les « adhésions conjointes », c’est-à-dire les contrats comportant plusieurs souscripteurs ou assurés. Dans l’hypothèse où le contrat comporte deux souscripteurs et deux assurés, chacun d’eux peut verser des primes sur le contrat. Au décès du premier souscripteur, le contrat n’est pas dénoué, mais il continue sur la tête du survivant qui en devient le seul titulaire. C’est seulement à son propre décès que le mécanisme de l’assurance vie et l’application de la fiscalité entrent en jeu pour les bénéficiaires désignés. Si jusqu’au début des années 90, ce type de souscription était accepté entre personnes non mariées, voir non parentes, elles sont désormais limitées pour éviter d’en faire un véhicule d’évasion fiscale. En effet l’administration fiscale a affirmé à plusieurs reprises sa position sur ce type de contrat estimant qu’il s’agit d’une donation indirecte au survivant de la créance que détenait le souscripteur décédé sur la valeur de rachat du contrat. Cette donation indirecte a donc vocation à être soumise aux droits de mutation par décès. Cela n’a que peu d’importance, puisque les compagnies d’assurance ne sont soumises à aucune déclaration spécifique. D’où l’auto régulation de la profession qui réserve ces souscriptions exclusivement aux couples mariés et à condition que les sommes proviennent de fonds dont l’exonération au titre des droits de mutation entre époux est assurée par un aménagement spécifique de leur régime matrimonial.

2- Entre époux

S’agissant d’époux mariés sous un régime séparatiste, les capitaux à investir sur le contrat d’assurance-vie constituent des biens propres. La configuration de souscription généralement retenue est alors une adhésion simple. S’agissant des époux mariés sous un régime de communauté, si la souscription provient de biens propres, il est préférable d’effectuer une déclaration d’origine des deniers qui sera jointe à la souscription initiale. Si les primes proviennent de biens communs, deux configurations de souscriptions peuvent être envisagées en fonction des objectifs poursuivis : deux adhésions simples de montant égal sur la tête de chacun des époux ou une adhésion conjointe, capitale payable au premier décès. Pour les contrats destinés à être conservés par le conjoint survivant, la souscription doit s’effectuer sous forme d’une adhésion conjointe, capital payable au deuxième décès. En effet, elle permet d’assurer la continuité du contrat au premier décès et d’éviter une éventuelle taxation. Pour la partie des capitaux destinés à revenir aux enfants dès le décès de l’un ou de l’autre des époux, on pourra recourir à une adhésion conjointe capital payable au premier décès qui permettra d’optimiser les abattements de 152.500 €.

B) L’intérêt fiscal de la rédaction de la clause bénéficiaire.

En tant que condition d’application du régime fiscal de l’assurance-vie. Le contrat d’assurance vie est le seul placement qui implique une réflexion sur la transmission des sommes investies par son intermédiaire. En effet, par sa construction même, il propose la désignation d’un bénéficiaire des capitaux en compte au jour du décès de l’assuré. L’article L132-11 du Code des assurances dispose : « lorsque l’assurance en cas de décès a été conclue sans désignation d’un bénéficiaire, le capital ou la rente font partie du patrimoine de la succession du contractant ». Ainsi, l’absence de bénéficiaire désigné entraîne deux conséquences :

  1. – Ce sont les héritiers de l’assuré, tels qu’ils sont établis dans l succession qui se partagent les sommes, dans la mesure où le capital décès s’ajoute aux autres biens du défunt.
  2. – Le bénéfice de l’exonération des sommes investies en assurance-vie est perdu.

a) L’intérêt du démembrement de la clause bénéficiaire :

Mécanisme

Trop souvent banalisée et présentée de manière simpliste, la technique du démembrement de la clause bénéficiaire est en réalité fondée sur un enchaînement de mécanismes juridiques subtils et présente certaines difficultés tant sur le plan pratique que celui de la fiscalité applicable. Il s’agit donc d’un outil qui doit être utilisé à bon escient, avec l’assistance d’un professionnel pour la rédaction de la clause, et dans le respect d’un formalisme scrupuleux. La clause bénéficiaire prévoit que le capital sera démembré entre un bénéficiaire en usufruit (souvent le conjoint survivant) et un bénéficiaire en nue propriété (souvent les enfants). Partant du principe que l’usufruit sur une somme d’argent est en fait un quasi-usufruit, les capitaux seront alors remis entre les mains de l’usufruitier, à charge pour lui de restituer en fin d’usufruit un capital équivalent aux nus-propriétaires désignés. Ces derniers disposent d’une créance de restitution, qu’ils pourront exercer quand l’usufruit prendra fin. Si le bénéficiaire en usufruit décède avant l’assuré du contrat, le bénéficiaire initialement désigné en nue propriété recevra le capital en pleine propriété. Le démembrement de la clause bénéficiaire permet d’avantager l’usufruitier sans pour autant léser le nu propriétaire. Ainsi, l’usufruitier disposera des sommes comme un plein propriétaire et pourra à son gré les consommer ou les investir dans un placement de son choix. Le souscripteur peut même le dispenser de faire emploi des sommes et de fournir caution aux nus propriétaires. De leur côté, les nu-propriétaires se verront attribuer sur la succession de l’usufruitier l’équivalent du capital qui lui a été versé, sans acquitter de droits de mutation. L’effet fiscal est conséquent puisque le capital bénéficie d’un double régime de faveur : fiscalité de l’assurance vie pour l’usufruitier et exonération totale pour le nu propriétaire.

b) Les incertitudes fiscales

  • Éventuelle application de l’article 751 du Code général des impôts qui aboutirait à éliminer le bénéfice de la déduction de la créance de restitution.

Mais sur ce point les arguments des meilleurs spécialistes sont convaincants, d’autant que l’administration fiscale intègre désormais le mécanisme du quasi-usufruit comme l’une des options « naturelles » offerte aux titulaires de droits démembrés, au côté du remploi et du partage.

  • – Détermination de la base taxable au titre des capitaux décès remis au quasi-usufruitier. En effet, ni l’article 757-B du Code général des impôts, ni l’article 990-I ne prévoient expressément cette hypothèse.

Il est toutefois clair que la fiscalité de l’assurance-vie trouve à s’appliquer, mais il reste à en définir les modalités. Au titre de l’article 990-I, le taux de 20% sera-t-il relevé après application d’un seul abattement pour le quasi usufruitier ou d’autant d’abattements que de bénéficiaires distincts ? Il semblerait d’après une réponse ministérielle du 9 août 2005 intégrée dans la doctrine administrative qu’en cas de démembrement de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie entre un usufruitier et un nu propriétaire, les avantages fiscaux ne bénéficient qu’au premier. Ainsi au décès de l’assuré, c’est celui qui touche le capital décès (donc l’usufruitier puisqu’il a la jouissance du capital) qui se voit appliquer les règes fiscales de l’assurance vie et notamment le prélèvement de 20% après l’abattement de 152.500 €. Quoi qu’il en soit, il est souhaitable de mettre les éventuels droits et taxes à acquitter à la charge du quasi-usufruitier qui disposera seul des capitaux.

C) Le régime fiscal des primes versées après 70 ans.

Le régime fiscal qui s’applique est défini par l’article 757 B du Code général des impôts. Cet article fixe les modalités de taxation au titre des droits de mutation pour toutes les primes versées par un assuré de plus de 70 ans, sur un contrat ouvert après le 20 novembre 1991. Le principe est le suivant :

  • Les primes versées après 70 ans sont soumises aux droits de mutation, après application d’un abattement unique de 30.500 € par assuré (et non par bénéficiaire) ;
  • A contrario et c’est là l’intérêt de ce régime, l’intégralité de la valorisation constatée sur le contrat (revenu et plus-value), demeure exonérée de droits de mutation.

Ainsi, plus les capitaux investis sont importants, et plus la durée de capitalisation est longue, plus la part exonérée s’accroît, sans limitation de montant. Elle peut ainsi parfois dépasser le seuil de 152.500 € par bénéficiaire, prévu pour les moins de 70 ans. Compte tenu de ce régime fiscal particulier, l’assurance-vie après 70 ans s’avère donc largement plus avantageuse que la détention d’actifs financiers dans d’autres enveloppes fiscales (PEA, valeurs mobilières, etc…), qui ne bénéficient d’aucune réduction de leur base taxable. L’assurance-vie et l’optimisation de la transmission du patrimoine Toutefois, pour qu ce principe soit validé, il convient de veiller au respect de certaines règles, pour éviter que le régime particulier de taxation de l’assurance-vie après 70 ans ne s’avère décevant. En particulier, la base taxable étant les primes versées, il faut faire attention aux rachats partiels qui ne se traduisent pas par une diminution corrélative de la base taxable. Ceux-ci viennent réduire en premier lieu la fraction exonérée. Ainsi si des rachats sont prévisibles ou si le versement d’une rente est prévue, il est préférable de fractionner l’investissement global en une multitude de contrats et si le souscripteur a besoin de liquidité d’opter pour le rachat intégral d’un de ces contrats. L’article 757 B du Code général des impôts ne concerne que les contrats ouverts après le 20 novembre 1991. Ainsi, les contrats ouverts avant cette date bénéficient de droits de mutation pour les primes versées avant le 13 octobre 1998 (avant comme après 78 ans) et sont soumis à l’article 990 I du Code général des impôts pour les primes versées après le 13 octobre 1998, même après 70 ans, c’est-à-dire qu’ils bénéficient de l’abattement de 152.500 € par bénéficiaire et de la taxation au taux de 20% au-delà.

D) Reverser sur un ancien contrat ou préférer une nouvelle souscription ?

Il est aujourd’hui très rare de rencontrer un détenteur de patrimoine qui ne dispose pas déjà d’un ou plusieurs contrats d’assurance souscrits par le passé. Lors de toute nouvelle décision d’investissement dans cette enveloppe, on se trouve donc à devoir choisir entre deux stratégies : reverser sur un contrat existant ou ouvrir un nouveau contrat. Un contrat ouvert depuis plusieurs années offre l’avantage de la durée écoulée et donc d’une fiscalité plus avantageuse en cas de rachats partiels, mais corrélativement, sa base technique risque d’être dépassée. Les nouveaux versements peuvent répondre à différentes motivations :

  • augmenter le capital servant à générer des revenus complémentaires dans un avenir proche,
  • placer des capitaux sans prévoir spécifiquement de retraits avec un profil de gestion adapté à l’objectif poursuivi,
  • optimiser et faciliter la transmission du patrimoine.

Selon l’objectif poursuivi, il sera plus ou moins intéressant de souscrire un nouveau contrat ou de reverser sur un ancien. Sur un plan juridique, dans l’hypothèse d’un reversement, l’origine des fonds doit être en cohérence avec l’identité du souscripteur. Toutefois, si le taux de prélèvement forfaitaire applicable au contrat ancien s’avère plus favorable que les taux actuels, il peut être tentant pour un investisseur de se servir d’un contrat pour lequel il n’était pas souscripteur, par exemple celui de son épouse. Cependant, si cela peut s’avérer intéressant sous l’angle de la capitalisation, cela peut poser problème en cas de décès de l’assuré. En effet, sans compter les éventuelles difficultés de liquidation du régime matrimonial, le conjoint peut ne pas être le seul bénéficiaire et même s’il est le seul le paiement des capitaux peut s’accompagner de droits de mutation (pour la partie des primes versées après 70 ans) u de la taxe de 20% au-delà de l’abattement de 152.500 €. Ainsi, quand l’investisseur n’est pas le souscripteur du contrat initial, le versement sur un ancien contrat, s’il peut être intéressant en tant qu’objectif de placement, s’avère inefficace à optimiser la transmission. Au contraire il la complique. Si l’objectif est d’alimenter un contrat d’assurance-vie en vue de générer des revenus immédiats, le contrat déjà ouvert doit à priori être privilégié. En effet, la fiscalité des produits taxables en cas de rachat est directement corrélée à la durée écoulée depuis la date de souscription d’origine. Dans le principe, et pour une base taxable identique, mieux vaut une imposition à 15% qu’une imposition à 35% et une imposition à 7,5% après abattement qu’une imposition à 15%. Cependant ce principe est à modérer lorsque le contrat objet du versement comprend déjà une plus-value taxable importante, tout rachat effectué comportant une fraction de la plus-value de l’ancien contrat et une fraction de celle des nouveaux versements. Par ailleurs, même si le rachat est exonéré d’impôt, il demeure intégralement constitutif d’un revenu au sens de l’impôt de solidarité sur la fortune, d’où le risque d’en accroître le coût par un déplafonnement en cas de rachat sur un contrat comportant une fraction de plus-value taxable importante. Si l’objectif est de réaliser exclusivement le placement des capitaux, sans retraits envisagés, la fiscalité en cas de décès peut devenir un critère de choix prédominant, en fonction de l’âge de l’assuré au jour du reversement. Pour les contrats souscrits après le 20 novembre 1991, la fiscalité en cas de décès est désormais relativement harmonisée :

  • Les versements effectués après 70 ans sont soumis à l’article 757-B du Code général des impôts,
  • Les versements effectués après le 13 octobre 1998 mais avant 70ans sont soumis à l’article 990-1 dudit Code.

Pour ces contrats, la date de souscription du contrat n’entre donc pas en compte pour déterminer la fiscalité applicable. Seuls comptent la date du versement et l’âge de l’assuré. La fiscalité applicable sera donc identique en cas de versement sur un contrat existant ou l’ouverture d’un nouveau. Pour les contrats souscrits avant le 20 novembre 1991 et dans l’hypothèse de versements après 70 ans : Le régime fiscal applicable aux contrats souscrits avant cette date est différente dans la mesure où l’article 757-B précité ne leur est pas applicable. Par contre toutes les primes versées après le 13 octobre 1998 sont soumises à l’article 990-I du Code général des impôts, y compris après les 70 ans de l’assuré. Ainsi, un assuré qui a dépassé la frontière des 70 ans peut encore bénéficier de l’exonération de 152.500 € par bénéficiaire pour un nouveau versement sur son contrat souscrit avant le 20 novembre 1991. Cela ne doit pas l’empêcher de souscrire un nouveau contrat après 70 ans pour bénéficier de la franchise de 30.500 €.

Quel avenir pour l’assurance-vie ?

Les évolutions de l’assurance-vie de ces dernières décennies sont impressionnantes et relèvent de deux mouvements : diminution des avantages fiscaux accordés à ce contrat et amélioration continue de sa dimension placement qui en ait un outil d’exception, sans doute le complet de ceux disponibles sur le marché. S’agissant de l’avenir, sur le plan fiscal tout d’abord, l’assurance-vie n’échappera pas à de nouvelles réformes dans les années à venir. On peut, tout de même espérer qu’elles interviendront progressivement de manière à conserver les avantages du passé. En effet l’expérience des dernières réformes a consacré une jurisprudence de non rétroactivité, impérative pour maintenir la confiance des épargnants. En particulier, s’agissant de la capitalisation, on peut s’attendre à une augmentation de la fiscalité frappant les rachats après 8 ans ou un allongement de la durée de la détention de l’épargne permettant de bénéficier d’un taux réduit. S’agissant des droits de mutation, il est évident que l’abattement de 152.500 € ne soit pas revalorisé et probable que le législateur aille au-delà. Sur le plan juridique, on peut espérer à relativement court terme une réforme de l’article L132-9 du Code des assurances pour mettre fin aux conséquences d’une acceptation du bénéficiaire décès sur la libre disposition de la valeur de rachat par le souscripteur. Ainsi, mieux vaut souscrire et alimenter son contrat d’assurance-vie aujourd’hui que demain. Et veiller à choisir un produit de qualité, avec une pérennité des conditions consenties par l’assureur aussi longue que possible. Même si le « répit » peut durer encore quelques années, les avantages de l’assurance-vie iront en diminuant et il convient sans doute de privilégier très fortement ce cadre d’investissement par rapport à d’autres outils dans toute stratégie de placement à moyen et long terme. Lire le mémoire complet ==> (Assurance vie : Assurance décès, vie et assurance vie mixte) Université de Nice Sophia-Antipolis – faculté de droit, de sciences économiques et politiques et de gestion Master II de droit notarial

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