La crise immobilière des Etats-Unis gagne le reste

La crise immobilière des Etats-Unis gagne le reste

II- La crise immobilière US gagne le reste du monde

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’éclatement des bulles immobilières qui a débuté par les USA commence à se faire ressentir un peu partout à travers le monde. En première ligne, l’Irlande, l’Espagne et le Royaume Uni sont parmi les plus menacés. La France est pour le moment épargnée, mais le niveau de prix y est tout de même supérieur de 20% aux fondamentaux, selon le FMI.

L’éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis devient un phénomène mondial, et l’on voit les prix de l’immobilier défaillir un peu partout, depuis la campagne irlandaise jusque le long de la côte espagnole en passant par les ports baltes, et même dans certaines régions du nord de l’Inde.

Ce ralentissement global simultané, de plus en plus marqué au cours de ces derniers mois, pénalise la croissance économique mondiale, affectant non seulement l’immobilier mais également l’emploi.

En Irlande, en Espagne, en Grande-Bretagne et ailleurs, les prix de l’immobilier qui avaient grimpé au cours de la dernière décennie sont en train de retomber. Les analystes du secteur prévoient que certains pays feront face à un ajustement encore plus drastique que celui des États-Unis, et envisagent la possibilité que ce ralentissement se transforme en effondrement majeur.

Dans une certaine mesure, les problèmes apparaissant dans le monde entier sont le résultat d’une contagion américaine. Au moment où les conditions d’octroi de crédit immobilier se resserrent en raison de la crise qui a débuté dans le marché hypothécaire des subprimes, les analystes craignent que d’autres pays puissent souffrir de défaillances d’emprunteurs comme celles qui ont frappé la Californie, la Floride et d’autres États américains.

Mercredi dernier, le Fonds Monétaire International, tenant compte des répercussions de l’éclatement de la bulle immobilière américaine et de la contraction du crédit, a réduit ses prévisions pour la croissance économique mondiale cette année et a averti que les difficultés pourraient se prolonger jusqu’en 2009.

Surévaluation de l’immobilier par rapport aux fondamentaux - FMI

Surévaluation de l’immobilier par rapport aux fondamentaux – FMI

« Les problèmes existants aux Etats-Unis se sont propagés à l’Europe », déclare Michael Ball, professeur d’économie spécialisé dans les questions d’urbanisme à l’université de Reading en Grande-Bretagne, qui étudie le prix des logements. « Ce qui se passe en ce moment est beaucoup plus douloureux que ce à quoi nous nous attendions. »

Dans des pays comme l’Irlande, où les prix sont encore plus surévalués qu’aux Etats-Unis, le réveil a été douloureux lorsque les propriétaires ont dû apprendre le vocabulaire déjà en usage aux USA.

« Nous savons que nous avons déjà un patrimoine négatif », déclare Emma Linnane, qui travaille dans une université.

Elle a acheté un chaleureux appartement à une chambre dans la banlieue de Dublin avec son fiancé, Paul Colgan, en mai 2006, au sommet du marché. Ils l’ont payé 575 000 dollars – au moins 100 000 dollars de plus que ce qu’il pourrait valoir aujourd’hui. « J’ai parfois des frissons quand j’y pense », dit Mme Linnane, « mais cette réalité ne me frappera que lorsque je vais le vendre. »

Cette dure réalité est en train de s’étendre. Les marchés du logement en surchauffe en Europe de l’Est et dans les pays baltes se refroidissent désormais rapidement, maintenant que les Européens de l’Ouest devenus inquiets, ont cessé d’investir dans des biens à Varsovie, Tallinn, en Estonie et autres Eldorados immobiliers.

En Inde et au sud de la Chine, les prix ont cessé de grimper. Après la chute prononcée du cours des actions qui avaient atteint des sommets, les ménages ne disposent plus d’autant d’argent pour acheter des biens. Les ventes d’appartements à Hong Kong – un marché normalement hyperactif – ont ralenti dernièrement, et le prix des appartements milieu de gamme commence à baisser.

À New Delhi, ainsi que dans d’autres régions du nord de l’Inde, les prix ont connu une chute de 20% l’année dernière. Sanjay Dutt, qui dirige une société immobilière, l’attribue à une érosion de la confiance.

Une grande partie de ces replis semble suivre la loi fondamentale de la gravitation : ce qui monte doit redescendre. Les taux d’intérêt très bas qui ont contribué à gonfler les bulles immobilières dans de nombreux pays, rendaient prévisible cette baisse des prix généralisée, estiment de nombreux économistes.

Ce n’est pas la première fois qu’un retournement de conjoncture immobilière traverse les frontières, mais cette fois les répercutions ont été amplifiés par l’intégration des marchés financiers. Lorsque les défauts de paiement aux USA se retrouvent dans les livres de compte des banques européennes, les problèmes américains aggravent ceux du reste du monde.

Le cas de la Grande Bretagne est révélateur. C’était l’un des marchés immobiliers les plus robuste, avec moins de surproduction qu’en Irlande ou en Espagne. Puis, l’été dernier, la crise des subprimes est née sur l’autre rivage de l’Atlantique.

En deux mois, le nombre de crédits immobiliers accordés a alors baissé de 31%, comparativement à l’année précédente. En mars, le prix moyen des logements a diminué de 2,5%, la plus importante baisse mensuelle depuis 1992.

« Le boom des prix du logement a été en fait beaucoup plus marqué ici qu’aux États-Unis », observe Kelvin Davidson, économiste chez Capital Economics à Londres. « Les gens devraient être plus inquiets qu’aux Etats-Unis ».

La Grande-Bretagne connaît une activité dans le secteur du financement de l’immobilier qui est parmi les plus développées, et se situe non loin derrière celle des Etats-Unis. Le montant de l’encours de dette hypothécaire, comparativement au PIB, y est plus élevé qu’aux Etats-Unis, selon une étude réalisée par le Fonds Monétaire International.

« Le Royaume-Uni a suivi le mouvement des États-Unis vers des terres inexplorées, en vendant des crédit en porte-à-porte et en imaginant que les prix allaient monter sans cesse », déclare Allan Saunderson, rédacteur en chef de Propriété Finance Europe, une lettre d’information destinée aux investisseurs.

Pourtant, les problèmes de la Grande-Bretagne sont peu de chose comparativement à de ceux de l’Espagne et de l’Irlande. L’investissement dans le secteur résidentiel représente 12% de l’économie irlandaise et 9% de l’économie espagnole, comparativement à 5% en Grande-Bretagne et 4% aux Etats-Unis, selon le FMI

La surabondance de logements neufs a entraîné l’arrêt des mises en chantier, augmentant le chômage

La surabondance de logements neufs a entraîné l’arrêt des mises en chantier, augmentant le chômage et assombrissant les perspectives des deux étoiles montantes européennes de la dernière décennie.

« Nous nous réveillons du rêve immobilier et nous nous retrouvons dans une situation où les prix sont en baisse en Espagne pour la première fois », déclare Fernando Encinar, l’un des fondateurs de Idealista.com, un site Web consacré à l’immobilier.

En Espagne, plus de quatre millions de logements ont été construits dans la dernière décennie, soit plus que l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France réunies. Le prix moyen de l’immobilier a triplé dans certaines régions du pays, lorsque l’économie, alors vibrante, attirait les immigrants et les Européens du Nord, séduits par les maisons de vacances le long de la Costa del Sol.

Mais aujourd’hui ce sont des milliers parmi ces maisons qui sont vides. Le FMI estime que l’immobilier est surévalué de plus de 15%. Avec la contraction des prêts hypothécaires et des prix qui s’effondrent, les spéculateurs qui avaient considéré l’immobilier espagnol comme une valeur sûre sont confrontés à la dure réalité.

En 2005, Julian Felipe Fernandez a acheté trois petits appartements, pour réaliser un investissement, dans un immense programme construit en dehors de Madrid. Il a déjà versé 100 000 euros à titre d’acompte, et est désormais impatient de les revendre pour éviter d’avoir recours à une coûteuse hypothèque. Mais avec le décrochage du marché, le prix demandé par M. Fernandez est le même que celui de son acquisition.

« Il y a trois ans, il me semblait que je serais en mesure de les céder en empochant un joli profit avant même qu’ils ne soient finis », observe-t-il. Maintenant il espère tout au plus « s’en débarrasser, et se défaire de ce casse-tête. »

S’il parvient à s’en séparer il sera chanceux. Enric Bueno, responsable du marketing pour Ibusa, une société immobilière de Barcelone, indique que son cabinet ne réalise plus que six ou sept ventes par mois, contre 40 il y a un an.

« Les choses vont vraiment mal », déclare M. Bueno. « Si cela continue ainsi pendant cinq ans, nous n’y arriverons pas. »

Les économistes sont en train de réviser à la baisse leurs prévisions de croissance pour l’Espagne, et certains prévoient une stagnation dès l’été. Selon les prévisions de BBVA, l’une des principales banques espagnoles, le chômage devrait atteindre 11% en moyenne cette année, contre 8,6% en 2007.

De telles chutes sont déjà manifestes en Irlande, où les chauffeurs de taxi se plaignent de voir les chômeurs du secteur du bâtiment venir gonfler les rangs de leur profession. L’effondrement de l’immobilier a mis brutalement fin en Irlande à plus d’une décennie de croissance désordonnée qui lui avait valu le surnom de « tigre celtique ».

Aujourd’hui, l’ambiance qui règne dans le pays est celle d’un réveil brutal, et bien peu Irlandais. Le prix moyen de l’immobilier a baissé de 7% l’an dernier, un record pour l’Europe, selon les chiffres de la Royal Institution of Chartered Surveyors, un groupe immobilier britannique. Et ils sont susceptibles de baisser d’un montant similaire cette année.

Ayant connu un boom de 16 ans, qui n’avait été que brièvement interrompu après les attaques terroristes du 11 Septembre, l’Irlande a le marché du logement le plus surévalué parmi les pays développés, selon le FMI. Dans sa dernière publication sur les perspectives économiques, il a calculé que les prix sont 30% supérieurs à ce qu’ils devraient être, compte tenu des fondamentaux économiques de l’Irlande.

Pour beaucoup d’Irlandais, accepter cette réalité représente un apprentissage difficile. Certains propriétaires sont encore dans le déni, notent les courtiers, et continuent de demander 5 millions de dollars pour des maisons qui n’en valent pas plus de 4. Mais les promoteurs ont commencé à baisser les prix des appartements les plus petits, comme par exemple celui détenu par Emma Linnane.

« L’année dernière, cela a été notre période de « réveil en sueur au milieu de la nuit », se rappelle David Bewley, directeur de l’agence immobilière Lisney. « Maintenant, nous avons mûri. »

Tous les augures ne sont pourtant pas négatifs, note M. Bewley. Les maisons recommencent à se vendre, mais pour 25% de moins. L’Irlande n’a pas encore souffert de l’incidence des défaillances sur les prêts hypothécaires dans ce ralentissement, en partie parce que les prêteurs n’ont pas été aussi agressifs que ceux des États-Unis.

Mais certains craignent que l’effondrement du secteur du logement puisse gâcher la recette irlandaise du succès. À l’instar de l’Espagne, elle a attiré de nombreux travailleurs étrangers, dont beaucoup sont venus occuper des emplois bien rémunérés dans le secteur de la construction. Cela a entraîné à la hausse un marché de la location qui reste soutenu, et était une source de revenu pour de nombreux Irlandais qui ont investi dans la pierre.

« Si les immigrés retournent chez eux, cela nuira-t-il au marché de la location ? S’interroge Ronan O’Driscoll, directeur chez Dublin Savills, une société immobilière. « Si cela se produit, cela provoquera indubitablement des saisies immobilières. »

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