L’excès de la liquidité et le boom du crédit

L’excès de la liquidité et le boom du crédit

L’excès de la liquidité et le boom du crédit

[1]

Les flux de capitaux contribuent à la fragilisation et sont capable de déclencher une crise. D’abord, une phase euphorique : un optimisme démesuré du côté des créanciers internationaux, des banques en particulier, conduisant à des situations de sur-financement, au-delà en tout cas des besoins liés aux déficits courants et aux écarts entre épargne et investissement domestiques, provoquant tout à la fois un boom du crédit, avec sélections adverses et risque moral, une profitabilité bancaire élevée mais précaire, un choc d’investissement et un boom d’activité, des augmentations de réserves jouant un rôle de collatéral implicite, des sur-réactions, voire des bulles sur les marchés d’actifs, en particulier sur le taux de change.

Puis une phase neurasthénique qui provoque une inversion de toutes ces séquences : détérioration de la situation financière des entreprises, dégradation des bilans bancaires, pessimisme excessif, sous-investissement, ralentissement de l’activité, pertes massives de réserves, chute des cours boursiers, faillites bancaires, étranglement du crédit et crise réelle, diffusion de la panique, attaque spéculative, sorties de capitaux, crise de change…

[1] Banque de France. (2008, Octobre). Valorisation et stabilité financière

La création excessive de liquidités par les deux principales banques centrales, la Fed et (dans une moindre mesure) la BCE, renforcée par le souhait de beaucoup de nouvelles et d’industrialisation de pétrole et de gaz des pays exportateurs, de limiter l’appréciation de leur monnaie vis-à-vis le dollar américains. Le comportement de ces banques centrales peut être rationalisé en partie comme une réponse aux faiblesses de la demande effective keynésienne que beaucoup craignaient être le résultat du 18 Septembre. La Fed a abaissé le taux des fonds fédéraux de 50 points de base.

Dans les deux cas, le taux d’escompte a été réduit du même montant que le taux cible des fonds fédéraux. Elle a également injecté des liquidités sur les marchés à l’échéance immédiate pour 3 mois. Les montants ont été injectés quelque part entre celles de la Banque d’Angleterre (avec des différences dans la taille des économies des États-Unis et le Royaume-Uni) et ceux de la BCE. La Banque centrale européenne a injecté des liquidités et à la fois au lendemain des échéances plus longues sur une très grande échelle certes, mais avec un succès limité. Elle n’a pas réduit le taux d’escompte, mais elle s’est abstenue de relever ses taux comme elle l’avait prévu de faire.

La surliquidité qui a conduit à la consommation ou à titriser le moindre crédit immobilier résulte de déséquilibres structurels. Le premier déséquilibre est démographique. Aglietta et Berrebi, tout comme Artus et Virard, soulignent que, compte tenu des populations vieillissantes des vieux pays industrialisés, on pourrait s’attendre à ce que l’épargne y soit abondante et qu’elle se place dans le Sud.

Le deuxième déséquilibre structurel, lui clairement évoqué par les ouvrages d’Artus et Virard et celui dirigé par J. H. Lorenzi, est celui d’une réorientation radicale de l’accumulation vers un mode de développement soutenable à l’échelle de la planète, ailleurs et autrement que dans la politique de communication des grands groupes… pétroliers. En effet, tous ces ingrédients de la crise ont été rassemblés pour faire surgir la crise des subprimes.

La situation actuelle est particulièrement surprenante. Début 2007, les marchés de capitaux disposaient d’une liquidité1 abondante (figure 1) et les investisseurs n’exigeaient qu’une prime de risque faible.

Ce qui est essentiellement dû à l’accumulation de réserves de change dans les pays émergents et exportateurs de matières premières (figure 1 et 2). Les banques étaient liquides (abondance en liquidité bancaire) et correctement capitalisées (abondance en liquidité de marché)2, avec un volant de sécurité important par rapport à leurs exigences en fonds propres réglementaires.

Des constatations similaires auraient pu s’appliquer à l’ensemble des principales composantes du système financier. Même en mai 2007, il aurait été difficile de prévoir que les pertes sur les investissements hypothécaires subprimes pouvaient entraîner une crise de l’ampleur de celle que nous observons actuellement.

Figure 1. Réserves de change (Mds de dollars)

Réserves de change (Mds de dollars)

Figure 2. Réserves de change et base monétaire mondiale

(variation sur un an, en Mds de dollars)

Réserves de change et base monétaire mondiale (variation sur un an, en Mds de dollars)

Cette liquidité mondiale très abondante circule internationalement : si une banque centrale achète des titres en devises pour accroître ses réserves de change, elle fournit de la liquidité au vendeur de ces titres. La présence d’un excès de liquidité qui alimente initialement la liquidité des banques (figure 3) conduit à la possibilité d’un excès de crédit (figure 4), d’un excès d’achat de titres, donc de bulles sur le prix des actifs. D’où vient cet excès de liquidité ? De l’absence de coordination internationale des politiques monétaires, essentiellement entre : les États-Unis, où la politique monétaire n’est pas utilisée pour faire remonter le taux d’épargne des ménages et réduire le déficit extérieur; les pays émergents (surtout d’Asie) et exportateurs de pétrole où l’accumulation de réserves de change qui est mise en place pour éviter l’appréciation des devises par rapport au dollar, impose le maintien d’une politique monétaire extrêmement expansionniste.

Figure 3. Réserves des banques commerciales

auprès des banques centrales et crédits (GA en %)

dans le monde

Figure 4. Base monétaire mondiale (en

% du PIB en valeur) dans le monde

Réserves des banques commerciales-Base monétaire mondiale

Les facteurs d’augmentation de la liquidité sont aussi bien exogènes qu’endogènes. Parmi les facteurs exogènes on peut citer, au moins pour la période récente, la progression très rapide des réserves de change des banques centrales des pays émergents (la Chine en particulier) et des pays exportateurs de matières premières; or cette augmentation des réserves n’est que partiellement stérilisée. L’augmentation des réserves est due à d’importants excédents commerciaux et à un fort taux d’épargne dans ces pays qui connaissent des taux de croissance élevés depuis plusieurs années.

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